• 1963

    Partager via Gmail

  •  

    Jean Agnès Itinéraire de recherche - Etape : 1996

    Nouvelle recherche

    Revenons sur l’initialisation d’une nouvelle recherche[2], dont le point de départ se situe au milieu des années 90. Il est signalé alors par deux textes complémentaires de 1996 : 

     Europe, médias, réseaux : pour une Philosophie de l'éducation, à propos de PMR et : Freinet et l'innovation : pour une philosophie de l'action éducative, contribution aux Rencontres du Centenaire de Freinet.

    Voir Note personnelle 1

    Il s‘agissait à l’époque de consigner l’évidence d’un point aveugle théorique à partir de l’exemple de la faillite d’un important programme d’action publique relatif à la pédagogie des médias et à l’Europe. 

     

    - Le premier texte était versé à propos de la notion improbable d’innovation. Nous venions de traverser une période faste quant à la prise en compte des nouvelles donnes dans l’action publique scolaire : en « queue de comète »,  il convenait d’analyser les raisons de la défection, par l’évolution du contexte (idéologique, managérial etc.) et d’autre part en rappelant la nécessité de replacer l’action dans une ligne de sens.  

    Un premier filon est celui la philosophie de « l’action éducative », au sens d’une réflexivité experte accrue, capable de replacer l’action dans un contexte de sens, et de tracer de nouvelles voies.  Il s’agissait en effet d’une préoccupation de politique éducative : faute en effet de travailler cette posture de manière constante et obstinée, les phénomènes de déperdition et d’appauvrissement finissent par l’emporter, voire par se fixer en antithèse du discours affirmé qui se confirme alors non comme pragmatique mais comme persuasion sans frais.

    - Le second article portait sur l’actualisation des messages de l’éducation nouvelle (singulièrement chez Freinet l’articulation imprimerie/correspondance, et sa concrétisation dans un important programme de recherche-action)… La proposition était donc relative à la transmission patrimoniale et à l’ingénierie elle-même. C’est là une question de pratique éducative…

    Si l’on suit ce second filon, qui tient davantage de la « pratique éducative » : là s’analysent les paramètres de mise en œuvre d’une conception pédagogique, ou à l‘inverse, des principes sous-jacents aux réalisations,  à la fois en tradition et actualisation. L’absence de mise en jeu des fondements de l’action aboutit à leur  stérilisation, et les fige en croyances et en slogans.

     

    - Dans les deux cas, la  résistance à l’examen et à la prospective, était suffisamment significative à  que nous savions que nous avions touché là un « noyau dur » de la pratique critique. Le point commun est celui de l’historicité d’une démarche, solidement fidélisée au réel, soucieuse du « fait éducatif », mais qui n’en détourne pas les coordonnées au profit de quelque tentative de diversion et d’externation des problèmes réels. Le corollaire inévitable de cette position est la nécessité d’une articulation dans le travail en éducation scolaire entre les instances qui s’y prêtent. On pourrait avancer ici l’idée d’une révision en « philosophie concrète »[3]

    Revenant sur ces préoccupations à la fin des années 90[4] sous une bannière moins institutionnelle, mais plus académique, une troisième voie s’ouvrait alors, en forme de réflexions de synthèse à partir d’une thématique. Suivant la suggestion de Jean-Paul Resweber[5], il s’agissait alors pour moi de relire des événements et des problématiques de l’itinéraire, dans la mesure où il touchait des plans de d’interrogation générale, sous forme de grands thèmes prioritaires : la transmission, le soin éducationnel…

    Or ce dernier positionnement nous fait en réalité courir des risques considérables : il est question en effet d’avancer à partir d’unités sémantiques gorgées de sens commun, de connotation massive accumulée, au cours de leur histoire, comme dans son appartenance à la sphère contemporaine de la pensée (doxa  et épistémè). Travail au scalpel, capable de déconstruire les notions couramment utilisées dans le discours scolaire. On mesure ici la difficulté, notamment due à un autre ordre de résistances en vigueur. Cette troisième voie, qui a le mérite de solliciter l’examen des questions fondamentales, sans s‘attarder à des faux-semblants ou à des scolastismes interminables, risque aussi, si elle reste flottante, à la fois sans articulation consubstantielle aux pratiques, et sans accentuation de la requête anthropologique, de passer pour vaine.

     

    Mauvaises surprises

    - Une première déception a été le rejet par la communauté pédagogique à laquelle j’étais censé appartenir en raison de mes engagements, de cette démarche en « réflexivité accrue », qui paraît presque aller de soi aux yeux de la raison critique. D’autant que les répercussions de cette posture sur l’ingénierie pédagogique et formative même montraient aussi sa pertinence et son efficacité pratique : il ne s’agissait donc pas d’un « supplément d’âme », mais bien d’un moteur de l’action.

    - Une seconde déconvenue est relative à la disjonction des postures : à l’inverse de ce que toutes les avancées théoriques et la méthodologie des projets réussis nous apprennent, il restait paradoxalement plus que jamais difficile de concevoir l’articulation productive et féconde des positions et des angles d’intervention. Qu’il s’agisse de coopération entre les « acteurs » à différents niveaux, et/ou d’intériorisation de ces paramètres dans chaque cheminement personnel.  Celui qui est plongé dans l’action à un niveau important d’investissement professionnel ne prend guère le temps de théoriser son action, surtout s’il n’y est pas convié ou assisté. La surprise de l’époque venait d’un grand écart entre les faits rencontrés et les problèmes abordés, les problématiques issues de l’action, les propos tenus, notamment dans les lieux de rencontrés et d’édition. Le malentendu – celui de mondes qui ne s’entendent pas - persiste.

    Ma première pétition s’originait dans le déficit, en accroissement perpétuel au début des années 90, de réflexivité[6] dans l’action publique en matière d’innovation et, singulièrement, de rapport éducatif et de formation aux médias. Il s’agissait donc de se poser la question du statut de la réflexivité dans le processus de production officiel de discours et d’actions : la conception en vogue de la « recherche » (souvent menée comme « double fiction » de programmes supposés et de vedettariats de la profession) externait  les questions posées par les hypothèses et par l’action ; sur un exemple pointu et précis, même de grande dimension internationale, on a vu que le développement se heurtait à la question du sens, que c’est elle qui faisait problème, et, in fine, était combattue. Or, aucun projet de cette envergure n’a de sens en dehors de ce qui le constitue.

    La carence significative de réflexivité rejoint un autre vide tout aussi préoccupant, la faiblesse de référentiel épistémologique… Si bien qu’au lieu d’une part de développer la recherche intrinsèque qui veut que « la pédagogie pense », et, d’autre part, de nourrir l’examen à l’aune d’une anthropologie scientifique sérieuse, ce qui prédomine est une sorte de délaissement du sens de l’action éducative livrée à elle-même. Un programme d’action qui n’est pas « accompagné en recherche » développe son propre sens, qui est au demeurant lié à l’idéologie de l’employeur ou à la doxa ambiante, si des précautions suffisantes n’ont pas été prises. Par exemple, il importait en l’occurrence de travailler  concernant les développements des programmes de formation et de pédagogie des médias, ce qui dépasse largement la spécialité, pour toucher l’ensemble du nouveau paradigme, en quoi consistaient les transferts d’apprentissages. L’affaire prenait toute son importance  au début des années 90,  avec un peu d’anticipation sur ce qui allait se passer : le milieu est déterminant dans l’éducation, et le cybermonde n’est pas superfétatoire, auquel il faudrait s’intéresser en prime d’interrogations plus profondes.

    D’autres exemples se développeraient par suite : ainsi, la querelle dite du pédagogisme a marqué un temps de déroute de la pensée de l’éducation. Rien dans la grande tradition, ni dans la pensée profonde, n’autorisait des développements scolastiques relevant de la dispute de Sorbonne ou de l’appartenance de clan à une idéologie politique. Nous étions sur un autre terrain, dérisoire, dont les moyens d’information ont été avides, eu égard à leur fonction et à leur fonctionnement, mais qui nous éloignait de ce qui peut se penser aux termes d’une éthique de la coexpérience et de la reconnaissance.

     

    Partager via Gmail





    Suivre le flux RSS des articles
    Suivre le flux RSS des commentaires