• Espaces du débat

    aux temps d'Internet

     

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    Les moyens techniques actuels pourraient suggérer une formidable opportunité démocratique. Encore faut-il s'en saisir, en utiliser les capacités, en activer les potentiels. Cette évidence ne résoudra pas le problème du contrôle de cette richesse, qui renvoie à une question de détermination (idéologique, éthique, politique). Il suffit de constater la permanence dans le discours scolaire de zones d'interdits, où se figent les "sujets tabous". 

     

    Voyager autrement en terre nomade

                               Source : Voyager autrement en terre nomade

     

    Et donc, encore faut-il vouloir aller à l'encontre des tendances du pouvoir. Il est aisé de comprendre qu'un système de domination n'a aucun intérêt à ce que des citoyens se saisissent des outils de libération de parole.

     

    Encore faut-il mesurer l'ampleur d'une caractéristique marquante de la culture "postlibérale"  : celle du langage inversible, qui fait que le vieil adage d'hypocrisie est dépassé par les roueries du discours paradoxal, qui autorise un fonctionnement proche du "novlangue" (1950, Newspeak) d'Orwell, à base d'affirmation verbale vertueuse, contredite par la vérité pratique. 

     

    Nous traversons une crise culturelle inédite, d'une profondeur inquiétante, qui se traduit par un déficit de "débat" de fond, alors que les supports techniques d'information n'ont jamais été aussi performants, accessibles. Mais leur prodigieuse multiplication n'est pas synonyme de libération de la parole, de l'échange fécond, de production commune du texte émancipateur,  et les termes d'enthousiasme "participatif", "collaboratif", "créatif", etc. ont partie liée avec la poudre aux yeux des néo-slogans. Notamment dans la construction de l'espace virtuel du "fatras numérique".

     

    Pour ma part, je n'accepte pas ce processus redoutable. Je crois au contraire, parmi mes amis,  qu'il faut se saisir de ces possibilités pour une tout autre ambition que celle de céder aux néo-sirènes, quelles que soient leurs armes de séduction.

     

    Ma confiance est qu'il est possible, à frais nouveaux, de tenter ensemble de franchir la passe, selon divers parcours, et notamment en reprenant le débat sur le fond, c'est-à-dire en envisageant la possibilité d'une co-expérience de réflexion sur les questions clés du sens de l'éducation. Comme toute création collective, un tel "débat" ne peut se mener sans règles du jeu explicites. Cela peut toucher à mon sens l'actualisation de l'esprit (et non de la lettre) de ce que les "pédagogies nouvelles" ont produit jadis dans le sens critique. Ce qui a inspiré à des degrés divers nombre d'entre nous.

     

    Je fais part ici de deux  convictions  par rapport aux "messages de l'éducation nouvelle" :

    - Je ne crois pas qu'ils soient intangibles : ni sur le plan critique, ni sur la plan historique. Ils ne sauraient être figés dans quelque dogme. Au contraire, ils sont l'objet d'une attention commune d'actualisation, et ont à se perpétuer dans un présent dynamique.

     

    D'autant qu'il n'y a pas d'équivalent actuel : il ne se dessine aucun "mouvement" fort dans le sens d'une rupture ni aucun appel renouvelé à une "révolution copernicienne" passant par une critique radicale des postulats de l'éducation post-libérale.

     

    - Je ne crois pas en ce sens que les "meilleurs messages" de l'éducation nouvelle, comme d'ailleurs l'effectuation des "pédagogies nouvelles", lorsqu'elles sont organiquement liées à la perspective critique et à la visée émancipatrice (la précision est de taille), sont néo-compatibles[1]. 

     

    On ne comprend notamment en aucune façon comment une gouvernance libérocapitaliste (par exemple, un "Conseil Supérieur des Programmes", ou toute autre instance au service du système tel qu'il est) pourrait de quelque façon s'accommoder d'une visée pédagogique qui aille à l'encontre de ses desseins. Il n'y a d'ailleurs pas d'exemple historique en cela.

     

    A l'encontre de processus idéologiques qui nous font croire en de telles perditions (mais cela n'est pas nouveau, et l'efficacité évidentes des pédagogies "modernes", "actives", "nouvelles" a pu par le passé servir des causes infâmes), nous sommes tenus à un devoir de vigilance. Celle-ci ne peut être le fait de sentinelles isolées, voire d'analystes judicieux (qui les paierait pour ce faire!) mais ne peut émaner que de la communauté.

     

    ***

     

    Les moyens techniques actuels sont là sous-utilisés : listes de discussion, textes collaboratifs, colloques virtuels, réseaux de liens,  etc., pourquoi ne pas nous en saisir davantage en effet pour activer un "débat" (une délibération, et non les simulacres et les caricatures de controverses) qui ne manque pas de sujets possibles! A l'inverse de l'acceptation du monde tel qu'il est, nous aurions tous à gagner à renouveler ce pari d'intelligence commune.

    Le seul risque est de fâcher le Prince.  

     

     

     

    Jean Agnès, juillet 2014

     

     

     



    [1] A l'encontre d'une thèse en cours qui verrait advenir une "ère des pédagogies nouvelles" dans l'éducation scolaire française.

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  • L'invocation à Dewey dans la pensée scolaire post-libérale, doit faire l'objet d'une analyse.

     

    John Dewey

    Il est en effet remarquable que les citations de l’auteur (d'ailleurs sans précisions de contenus, sinon hommage au nom, le plus souvent  ; quoique : nous en avons , des développements sur le pragmatisme!) se multiplient chez les clercs. Nous avons vu ce phénomène monter chez les néo-hiérarques voilà un quart de siècle : aujourd'hui la référence se multiplie. Parfois avec délectation.

    Que contient donc "Dewey" pour plaire assez aux idéologues du nouveau monde ? Quels sont les ingrédients qui le rendent précurseur d'une conception totalisante de l'éducation scolaire ? S'agit-il seulement d'un alibi ?

     

    A défaut de ce type d'analyse, on ne comprend rien à ce qui se joue actuellement. "Dewey" n'en est qu'un exemple significatif.

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  • J'ai été (presque) surpris de voir dans le très convenu magazine Sciences Humaines un article circonstancié sur le Discours de la servitude volontaire...

    Discours de la servitude volontaire

    Tout est récupérable : mis à part ce qui ne l'est pas... Ce type de média-attrape-tout se donne, à bon marché, bonne conscience.  

    Il est vrai que l'article se termine de manière ambiguë. Mais quand même : l'essentiel de la problématique de la soumission et de l'inertie est en germes dans le Discours

    Et peut-être, quelque va-t-en guerre éducatif qui s'en tient aux pieux propos serait bien inspiré d'y revenir, comme plus tard à Condorcet, et quelques autres. A défaut, la "pensée de l'éducation" est en déshérence.

     

    Étienne de La Boétie, Discours de la servitude volontaire ou le Contr'un, 1549 

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