Philosophie de l'éducation, mésologie, pédagogies
L'institution comme trou noir des idéaux pédagogiques
« Éviter la scolastique », c’est-à-dire « tout comportement, toute réaction, tout travail spécifique au milieu scolaire ».
Interstellar
Quelques exemples, pour indiquer où se situe le corpus de la question, mettre en appétit critique : si on veut s'en donner la peine, voilà un beau sujet de thèse!
La question de la compatibilité de Freinet avec l'institution scolaire, par définition sclérosante, et avec l'organisation scolaire, contraignante et souvent imbécile, est posée dès le départ. Elle a marqué nos attitudes et nos avancées d'il y a quarante ans. Un texte caractéristique en ce sens : Louis Legrand 1993.
Outre le travail des clercs pour absorber le message dans la scolastique "pédagogiste", la principale tentative d’inclure la référence à Freinet dans la logique institutionnelle (a priori contradictoire) a été menée par le Clemi[1] des premières années. Dès les débuts du projet, on y cite Freinet, et on entend en faire un des parangons théoriques. Peu importe d'ailleurs le sens : Dewey figure là aussi en bonne place. Comme si tout était conciliable dans un même dépassement idéologique.
L’invocation de Freinet fait alors slogan, et satisfait les progressistes. Toutefois, il fera long feu : dès le milieu des années 90, les faits démentent cet te filiation de façade[2]. D’autant que l’attachement formel et livresque à Freinet a pu servir de tremplin à quelques carrières. La scolastique "néopédagogiste" va revenir en force dans les années 2010.
Aujourd’hui, nous sommes aux antipodes de la pédagogie, et notamment des espoirs de la "pédagogie des médias" inspirée de la philosophie de l'"Imprimerie à l'école", en raison de l’énorme couche d'enfumage du « numérique »…
Échantillons
" La pédagogie Freinet est ainsi reprise et diffusée en France par l’Institut coopératif de l’école moderne – Pédagogie Freinet (ICEM), lequel d’ailleurs participe étroitement au conseil d’orientation et de perfectionnement du CLEMI depuis sa création."
(à propos de La semaine de la presse et des médias à l’école, 05/10/2009)
Francis Barbey, L'éducation aux médias, 2009 :
- L'éducation nouvelle : toujours "moderne"!
Pour élargir la question : certains néomandarins n'hésitent pas à suggérer d'accommoder les messages de l'éducation nouvelle à la sauce actuelle.
"Lire : Jean-Claude Sallaberry (dir.), CONDITIONS DE L'ÉDUCATION ET PERSPECTIVES POUR L'ÉDUCATION NOUVELLE, Année de la recherche en sciences de l'éducation (2013).
"Blais, Gauchet et Ottavi, dans leurs ouvrages de 2002 et 2008, émettent l'hypothèse que s'ouvre l'ère des pédagogies nouvelles. La perspective n'est pas mince : elle mérite une approche outillée qui réponde à la réflexion actuelle, dans son contexte politique, sur la refondation de l'école. À quelles conditions les pratiques d'"éducation nouvelle" pourraient-elles s'instituer autrement que de façon confidentielle ?"
- La compatibilité
Une très abondante littérature accompagne cette croyance.
Exemples :
http://www.bastamag.net/Freinet-Montessori-Steiner-ces
http://collectif-cape.fr/content/la-p-dagogie-freinet-aujourdhui
http://www.gfen.asso.fr/fr/salon_freinet_nov2014
- L'académisme
Petite perle (mais il y en a tant!) : http://www.inrp.fr/biennale/8biennale/contrib/longue/207.pdf
Peyronie (Célestin Freinet, pédagogie et émancipation, 1999) est assez caractéristique des diverses tendances décrites : toute une époque ; et ne manque pas non plus le renvoi d'ascenseur entre pairs! Tout un programme.
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[1] Centre de Liaison de l'enseignement et des moyens d'information, créé en 1983. C'est un fait très-remarquable que le directeur du Clemi se réclamait de l'héritage de Freinet … "Il faut un nouveau Freinet"[1], et qui en même temps faisait tout pour en empêcher l'émergence. - formule sans frais, en effet, au même titre que la lapidaire "On demande des inventeurs" (Tardy/Jacquinot), tout en minant le terrain sur lequel ils pourraient avancer!
Pourtant, le dernier représentant de cette mouvance dans son équipe y a été éliminé au bout de dix ans. Le seul programme inspiré directement y compris dans la pratique commune et l'échange de l'articulation de l'imprimerie à 'l'école et de la correspondance scolaire", d'une ampleur considérable, a été disloqué il ya vingt ans : ce qui aurait dû attirer l'attention sur ce qu'aujourd'hui est la pratique du "discours paradoxal" des clercs.
[2] Il est très-remarquable que le principal programme inspiré directement de Freinet ait été liquidé dans la plus parfaite indifférence et que les alertes que j'ai lancées à l'époque aient été censurées par ceux-là même qui auraient dû être aux avant-postes. Le mouvement Freinet qui avait bien accueilli le projet fax!/PMR, via notamment la télématique, et parce que certains de ses membres étaient partie prenante, après avoir été inspirateurs, s’en est désolidarisé, et a suivi le point de vue "officiel".