• Une philosophie de la pratique éducative (pdpe) peut-elle se donner pour tâche d'attirer l'attention sur les fondements des politiques scolaires, à travers les notions de base qui les sous-tendent ?

    Le discours scolaire a ceci de marquant qu’il ne met pas en jeu, de l’intérieur, les notions clés de l’institution éducative. La notion de programme est à ce titre un excellent exemple de présupposé : dès lors qu’il n’est pas examiné pour lui-même, un tel type de notion donne lieu à des développements ultérieurs engendrés ou contraints par ce point de départ.

     

    La notion de "programme" renvoie aux domaines de la computation, du plan d'action ou du déroulé événementiel. Dans la pédagogie des médias et la cyber-logique, le motif PMR (programme, médias, réseaux) manifeste deux niveaux.

    Celui de l’action pédagogique : qui articule les trois dimensions sous la prédominance de la notion de programme (projet, production, communication) ;

    celui des logiques fondamentales liées aux trois domaines (informatique, médiatique, plexique).

    Dans la logique PMR, le « programme » est à double sens : il est à la fois en termes de contenus et d’apprentissages ce qui relève de la logique computationnelle, et en même temps, sur le plan de l’action, ce qui tient au plan de travail, au matériel méthodologique, et au déroulement des événements. 

    Dans la notion scolaire de « programme » telle qu’elle est pratiquée, il y a en quelque sorte une réduction sémantique sur les contenus. Le « programme » est alors un lieu privilégié à examiner pour comprendre ce qu’est la représentation du savoir, sinon l’idéologie, et l’idée de l‘homme.

    Indépendamment même de sa réalisation – elle-même improbable - il serait intéressant d’ailleurs de mettre la réalité de ses items en vis-à-vis des intentions affichées ( « l’humanisme », la « formation du citoyen » etc.).

    L’actualité scolaire en France confronte la notion de programme, finalement ambiguë, avec celles – plus marquées par la politique récente  – de « socle » et de « compétences ». Ici, entre contenus et socle... se joue une nouvelle partition d'une configuration elle-même stable et réputée intouchable.

    La question est à rapporter à la définition des items du discours scolaire au sein de l'ensemble qui les contient ; et au-delà, dans l'ensemble d'une conjoncture épistémique dont nous ne sommes pas sortis.

    Finalement ces notions, qui appartiennent à cette double sphère concentrique, dont la définition n’a à ma connaissance fait l’objet d’aucune étude récente,  sont mises à mal sur le plan théorique de deux manières :

    - par la critique de ce qu’elles représentent, de leur genèse, de leur fonction, et de leur appartenance à une sphère sémantique plus vaste ;

    - par la réalité des nouvelles donnes, qui, impliquant d’autres modes d’intelligibilité, les rend caduques.  

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  • On croyait l'affaire enterrée, versée aux oubliettes des paperasses et des beaux discours, déjouée par les analyses pertinentes.

    Néopédagogisme

    Que nenni! Le fantôme de la très artificielle et désuète "querelle du pédagogisme" - qui aura tant, et pour longtemps, plombé le dossier et le débat officiel de l'éducation scolaire en France - ressurgit à l'occasion des publications, propos et autres re-positionnements de la "rentrée" du milieu professionnel.

    C'est en effet une question de"discours scolaire" plus que d'intérêt général pour l'éducation. Comme nous l'avons souvent indiqué, la remarquable stabilité de la topique est le garant d'une continuïté sans changement. Celui-ci ne pourra venir que d'une (très) lente évolution, ou d'un événement brutal de type "révolutionnaire".

    Plus qu'improbables : en attendant, nous sommes conviés à subir cette règle du jeu de la "rhétorique scolaire", sans pouvoir nous en dégager. La plupart de ceux que cela indispose ne sont pas présents pour en parler ou en écrire, et encore moins conviés à en exposer ou acceptés dans les lieux où le pouvoir symbolique se joue.

    Cela dit, autant le pédagogisme, et son contraire, et le contraire de son contraire, ont fait leur preuve en matière d'enfumage, autant le "néo-pédagogisme" semble naissant. Disons que c'est un pédagogisme rénové, qui n'ose pas dire son nom.

    Cette rénovation a son histoire, sa bibliographie, caractérisée par la prétention du dépassement du pédagogisme par les pédagogistes mêmes. Cette absurdité ne peut se comprendre que dans la configuration plus générale dans laquelle elle est produite.

    Le discours ambivalent des tenants du néo-pédagogisme porte en lui-même les germes de son inanité : en ferraillant contre les résistances au changement pédagogique, tout en maintenant un type de discours qui précisément les fixe et bouche toute issue, les idéologues pratiquent une sorte de novlangue adaptée à leur cause, qui est celle de leur position.

    La situation est dès lors bel et bien bloquée : car pour sortir de l'impasse il faut déjà dépayser la problématique et extérioriser le questionnement.

    Ce n'est pas à l'ordre du jour.

     

     

     

     

     

     

     

     

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  • Qu'est-ce qu'un travail de veille dans le domaine de l'éducation scolaire ?

    Il s'agit en quelque sorte de "surveillance" idéologique, notamment à travers l'étude du discours scolaire d'actualité.

    Veille sémantique

    Le travail préliminaire est celui de la revue de presse, à commencer par les organes et les rubriques spécialisés.

    Une première démarche est alors l'analyse des contenus d'information sur ces supports.

    De manière plus approfondie, on se rendra sur les sites exposant les programmes de colloques ou les résumés d'ouvrages. La "rentrée" 2013 est fertile : si bien que le corpus dont nous disposons est copieux, mais, pourvu que l'on dispose de grilles de lecture et d 'analyses suffisantes, relativement simple à décrypter.

    Outre le fait que les résultats des études ainsi menées en disent long sur le sens des contenus discursifs en cours, ils ouvrent sur une seconde exigence : celle de déceler les "menaces", de prévoir les dangers, et de formuler des hypothèses sur la suite.

    Aux dernières observations, à défaut de contrepartie, celle-ci n'est pas réjouissante.

    A chacun, au-delà, de prendre ses responsabilités. 

     

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  • Ou tout au moins, rigoureuse, sinon scientifique

    Pour une histoire du rapport éducatif aux médias

    Education, numérique et culture des médias : pour une approche scientifique

         Johu Thiam

    La question des médias est la plus sérieuse des questions, et ne peut être traitée à la légère[1] : elle est primordiale, toutes affaires cessantes. J’entends si l’on ne réduit pas le mot à un aspect particulier, ou si on ne le noie pas dans le grand tout numérique, mais si on le considère pour ce qu’il est aux termes d’une philosophie des milieux. C’est aussi « l’affaire de tous », et l’objet d’un débat éducatif général, et non la prérogative d’un pré-carré. Je n’ai pas la fibre diachronique, et ne maîtrise pas de théorie de l’histoire, même si j’essaie de me renseigner et me souvenant qu’en cela des coopérations interdisciplinaires sont souhaitables. Toutefois je suis comme d’autres friand de traçabilité, et persuadé qu’une philosophie des situations est nécessaire en action éducative : on ne peut pas construire du futur sans connaissance profonde des antécédents, sans  « savoirs de la genèse »[2]. S’intéresser aux « nouvelles donnes » nécessite un effort de situation dans une lignée. Or les documents disponibles en ligne (médiatiquement disponibles en open data) relatifs à l’histoire du rapport pédagogique aux médias en éducation scolaire sont épars, ou par trop généraux, et renseignent peu ou peu clairement ce point que l’on aurait scientifiquement jugé primordial.   

     

    L’archive

     

    Les moyens actuels permettent une mise en scène des initiatives et, on l’espèrerait en tous cas, une typologie réutilisable (et non un simple catalogue), de ce qui se fait et de ce qui est possible, suffisant pour entraîner des dynamiques. Encore faut-il - comme pour tout écrit - activer le répertoire.  Mais il est vrai que, pourvu qu’elles aient été consignées, les données récentes présentes sur la toile et accessibles par l’internet sont conservées pour un moment. Il est donc urgent d’attendre ! http://www.aléasphilosophiques.fr/

    Tout ce qui s’est passé à l’époque antérieure aux développements des deux dernières décennies n’a pas bénéficié des moyens colossaux de conservation et d’accès dont nous disposons maintenant : si bien qu’avec un peu de mémoire de ce qui se produisait dans les années 60-90, on peut sans risque affirmer que le foisonnement de l’époque n’a rien à envier à celui d’aujourd’hui, mais qu’il est moins bien conservé et répertorié. Qui plus est la pédagogie des médias a connu des enthousiasmes précurseurs, et pendant longtemps, n’est pas passée par les filtres institutionnels. Aux départs, combattue, parfois durement. Cependant, l’oubli d’un quart de siècle d’avancées explique en particulier cette tendance à « refaire le monde » qu’on observe par exemple dans des publications récentes sur la pédagogie, l’image, l’écriture notamment. 

    Nos recherches actuelles sur les « nouvelles donnes » seraient donc grandement facilitées par une histoire du rapport éducatif aux médias depuis un demi-siècle, quand l’attention fut attirée sur l’importance de l’image, et toutes les actions de classes, débats, recherches, travaux pédagogiques qui s’en suivirent. De la même façon, les documents de fond (recherche, pédagogie, méthodologie) relatifs à la période fondatrice du Clemi (1982-92) sont peu visibles, et bien peu et mal exploités. Une telle ressource - comme en toute science qui se respecte - permettrait non seulement d’éclairer l’actualité éducative mais aussi  de renoncer à cette forme de courte vue qui fait que l’on tourne en rond. Que de temps et d’énergies perdus, à la base, à l’opposé d’un développement réussi par la transmission d’un déjà riche patrimoine pédagogique et méthodologique en la matière.

    Commémorer

    L’affichage promotionnel officiel est une chose, la vérité, la qualité et la profondeur de la succession expérientielle en est une autre. Et les leçons de méthodes, ne sont pas remplaçables par la matérialité des données du moment. Elles sont réappropriables sous réserve d’un travail permanent d’actualisation qui semble poser problème (ou en tous cas paraît difficile) aux tenants contemporains de ces domaines.    

    Effet de mode aidant, tout un commentateur semble aujourd’hui appelé à disserter « du média à l’école ». Sans que par ailleurs l’institution ait clarifié – c‘est le moins qu’on puisse dire – le statut pédagogique et l’ancrage  réel de la médiaculture dans les programmes et les curricula. Cela ne s’improvise pas, et tout un chacun, même renommé pour lui-même, ne peut se propulser tout de go « pédagogue des médias », surtout sans référence à ce qui s’est fait antérieurement sur le sujet. Cela se voit pourtant. La question de l’enrichissement est donc déontologique, scientifique, pédagogique.

    Un travail rationnel ouvrant sur une typologie de cette riche histoire des pédagogies des médias - j’entends non pas des textes promotionnels, des tableaux aseptisés et des panoramas brossés à grands traits, mais, bien entendu, une histoire rigoureuse des pratiques, des méthodes, des conceptions et des contenus (selon une théorie de l’exemple)  http://www.inrp.fr/biennale/6biennale/Contrib/affich.php?&NUM=229 -  permettrait certes d’éclairer les atermoiements du jour et les approximations apparemment durables, mais serait surtout d’une grande utilité pour la formation. Je ne doute pas que les professionnels des « médias à l’école » sauront susciter de tels travaux (ou, s’ils existent, les mettre en valeur) et de proposer des synthèses fécondes.

    Il faut peut-être rerouter les tergiversations et les flous artistiques sur ce dossier vers un problème plus général : à la remémoration[3] http://www.phileduc.fr/archives/2013/04/05/26844920.html, on préfère la commémoration ; à la passation, la redite ; au progrès déterminé, la valse-hésitation.

    Les pionniers ont-ils de l’avenir ?

    Au prétexte de nouvelles donnes, et de formidables outils de mémoire, devons-nous perdre la nôtre ? Pour des raisons scientifiques, mais aussi parce que c’est une question de principe et de morale, il s’agit par exemple de rendre hommage aux pionniers (es) de la téléinformatique en milieu scolaire, des grammaires de l’image ou aux fondateurs de la pédagogie des médias. Et ceux qui sont encore en vie auraient-ils des messages pour leurs successeurs ? Ce qui est issu aujourd’hui d’une longue et riche période de tâtonnements (mais enfin, au-delà de sa communication, le dossier bégaie encore pas mal) n’est pas né de rien. Et ne représente qu’une des tendances qui ont pu se manifester tout au long de ces dernières décennies.

     

    Il y a deux sortes de présentisme : celui qui nous fait prendre la pleine mesure de notre actualité… (« présentéisme »[4]) mais aussi celui qui, trop attaché aux intérêts du moment, nous rend oublieux de notre insertion historique et de nos racines, et, tout aussi bien, nous rend peu consciencieux de notre avenir : pendant que les uns remâchent le passé, les autres ressassent l’immédiat, dominé par la pensée convenue. En temps d’anniversaires, http://www.educavox.fr/agenda/article/la-citoyennete-aux-defis-des , nous aimerions croire que ce présentisme là ne fasse pas loi : il est bon de rendre hommage à ceux qui nous ont précédés et à qui nous devons ce que nous sommes. Mais en même temps, un acte de transmission réussi ne consiste pas seulement à pieusement se souvenir d’eux (ce serait déjà moralement pas mal) mais aussi de prendre le relais de leurs travaux, et non d’en effacer la mémoire pour « passer à la suite » sans examen. Le rapport éducatif aux médias n’échappe pas à la règle : la mémoire enfouie, quelle qu’en soit les raisons, les traces effacées, quelles qu’en soient les justifications, travaillent en sous-main le texte de la transmission : de manière ruineuse.  

     

    A l’opposé, on peut espérer qu’une cérémonie célébrant l’officialisation en 1983 de la légitimité des « moyens d’information à l’école »[5] soit l’occasion de relancer l’idée de « flux de recherche » dans le domaine : les colloques auraient pour vocation de faire le point sur l’état de l’art, et de relancer la recherche et l’action. Une recherche historique est cependant exigeante : elle doit obéir à des critères de scientificité, fixer une méthodologie, poser les bonnes questions (par exemple celle du rapport entre le discours officiel et les réalités de terrain, les effets observables dans les pratiques). Mais les précédentes réunions ne vont pas dans ce sens, hormis les vœux pieux. Pourvu qu’elle n’oublie pas sa mission de mémoire pédagogique, de relais d’initiatives,  et d’encouragements, l’institution peut pourtant grandement aider. Où en sommes-nous ? Les débats actuels sur le sens de la « refondation de l’école » montrent que le système scolaire n’est pas à tout coup garante du dynamisme pédagogique. Qui sont aujourd’hui les « inventeurs » ?[6] Et peut-on redresser la barre de ce qui dans un passé encore récent a consisté à les décourager, donnant ainsi un bien mauvais signal à tous ceux qui voudraient tenter l’aventure. Il faut peut-être aussi chercher dans la limitation des champs du rapport éducatif aux médias, comme dans la perte de mémoire des fondations, la fragilité du dossier, aujourd’hui encore hésitant. A l’heure où « notre système éducatif, notre monde, et jusqu'à nos connexions cérébrales sont en pleine mutation (…) et se réorganise, à l'ère d'Internet, le développement durable[7] de la cognition humaine » (E. Erny-Newton), http://www.erny-newton.com, il faut imaginer que l’anniversaire de l’organisme qui a pour l’éducation nationale assuré depuis trois décennies l’institutionnalisation du thème soit l’occasion pour tant d’ « acteurs » actifs annoncés de « dire leur dette » pour, à frais nouveaux, partir en  re-connaissance. (L’Internaute et le Pédagogue). http://leportique.revues.org/600

     

    « En ce qui concerne l'histoire immédiatement contemporaine, la tâche du professeur est particulièrement nécessaire et difficile : les passions politiques sont trop voisines des événements, et les institutions n'ont pas encore ce recul qui permet de les bien juger. (…). Ces réserves faites, on comprendra de quelle importance est pour l'éducation civique et générale de l'instituteur la connaissance de la vie contemporaine, si féconde en mouvements et en progrès dans tous les domaines. » Dictionnaire de Pédagogie (Ferdinand Buisson), 1911

     


    [1] v. par exemple l’item [médias] dans le référentiel de compétences des enseignants au BO du 25 juillet 2013 http://www.education.gouv.fr/cid73215/le-referentiel-de-competences-des-enseignants-au-bo-du-25-juillet-2013.html

    [2] C’est un principe scientifique. Jeunes linguistes, nous ne pouvions prétendre inventorier de nouveaux territoires sans dire notre dette à nos prédécesseurs grammairiens et philologues… Et nous situer dans une école, car en sciences, il ne peut y avoir de pensée unique, comme il ne peut y avoir d’avancées sans confrontations : même la sérendipité ne tombe pas du ciel.

    [3] Voir le lexique : http://www.phileduc.eu/rememoration-a99856441

    [4] Au sens, sans doute ambigu, de Maffesoli.

    [5] A commencer par un minimum de rigueur rationnelle. On peut lire sur le site officiel : « Le Clemi est chargé de l’éducation aux médias dans l’ensemble du système éducatif français depuis 1983. » C’est évidemment faux. Du moins d’un point de vue historique et institutionnel. 

    [6] Rappel de la formule lapidaire « On demande des inventeurs » (Michel Tardy - 1966, reprise par Geneviève Jacquinot - 1981).

    [7] On peut consulter pour… mémoire actualisable le résumé du travail daté (2000) «Expérimentation et transmission : conditions méthodologiques de « développement durable »,  http://www.inrp.fr/biennale/5biennale/Contrib/6.htm

     

    Texte publié sur educavox à l'adresse :

    http://www.educavox.fr/actualite/debats/article/education-et-nouvelles-donnes-6

     

     

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  • Alors que l’idée d’une véritable révolution de la conception de l’éducation scolaire semblait gagner du terrain,  à la faveur de la puissance de l’installation des « nouvelles donnes » et d’un discours officiel de « refondation », il est préoccupant de constater combien les vieilles lunes tiennent bon au firmament de l’idéologie. Symboliquement, le firmament, ce n’est plus l’entre-deux du parcours (les limbes), mais celui du « milieu supérieur » où le pouvoir maintient l’immobilisme, notamment par la production d’un discours magistral du haut de la chaire.

    Les profs de profs

     

    L’actualité de la « rentrée », rituelle (car on ne pense pas d’éducation hormis quelques mois scolaires) occasionne les marronniers : cette fois-ci, les papiers semblent consacrés, tous médias confondus, mais au premier chef dans les médias dits « pédagogiques », à des relents de la fameuse « querelle du pédagogisme » que l’on croyait oubliée ou versée au musée des faux débats et des idées reçues. Et qui a bouché pour longtemps la moindre faille où un débat digne de ce nom pourrait se faire jour.

    Du Café pédagogique à Educavox, de Libération au Monde, on trouvera une édifiante lecture sur cette configuration discursive manichéenne et que l’on croyait résiduelle. De la même façon, alors qu’un formidable élan pourrait faire valoir l’importance d’en finir avec la dangereuse image du Clerc, - au premier rang la figure tutélaire de celui qui sait tout -, le pouvoir sans partage du néo-mandarin et la mise en avant d’une poignée de personnalités médiatiques omniprésentes ruine l’esprit d’échange démocratique, de recherche collective et de réseaux d’intelligence.

    Les Donneurs de leçons

    L'amour des stars, des "intellectuels" médiatiques, et l'admiration des égos surdimensionnés semble bien éloigné de l'humanisme des Lumières et des idéaux de coopération. Il faut alors bien prendre le temps d’analyser à quoi correspondent la figure magistrale et son rôle dans l’économie du discours scolaire. Et de se demander pourquoi cette topique est en elle-même à l’abri de toute critique.

    C’est non seulement décourageant pour toutes les bonnes volontés qui n’ont que faire de maîtres à penser… ce qu’ils pensent eux-mêmes depuis longtemps, mais c’est une pénible constance du blocage mené par quelques pères castrateurs et prophètes des lieux communs. Au creux de ce scolarisme persistant, et triste, nous sommes là, comme chez les philosophes de mode et de cour, bien loin, si loin et de la pédagogie profonde, de la recherche critique, et du gai savoir.

    Ces postures peu glorieuses sont contemporaines de la formidable récupération par le discours dominant des espoirs d’émancipation : en période post-libérale (comment qulifier, de même que "méta-libérale" ?), tout peut s’assimiler, tout se vaut, et il n’est pas question de laisser une brèche dans les murs de cette forteresse - qu’au demeurant, personne ne semble s’apprêter à assiéger. Cela dure depuis un quart de siècle, et une génération entière aura travaillé sans relâche pour ce piètre résultat.

    La question actuelle est de savoir si une perspective critique peut composer avec cette configuration bloquée depuis trop longtemps, et décidément humiliante. Ou se reprendre.

    Le plus étonnant est que nous avons tous les moyens, patrimoniaux, intellectuels, techniques, pour penser et agir autrement. Encore faudrait-il le vouloir. Et à défaut, on poursuit dans le même sens du bavardage, de la phobie de l’invention et de la fermeture des routes possibles. Tout en clamant haut et fort le contraire. C’est absurde, mais ce n’est pas nouveau.

    Les profs de profs

    Dans l’acceptation de ces manipulations, ce besoin de servitude, et avec un tel masochisme paradoxal, nous sommes loin de la « révolution copernicienne » appelée de leurs vœux par les pionniers de l’éducation nouvelle.

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