• Le sens de l'éducation

     

     

    La fréquentation du milieu scolaire donne bien du mal à l'analyste, d'autant qu'il travaille sur un objet qui nécessiterait l'activité d'un véritable laboratoire d'idées interdisciplinaire. Nous en sommes loin, et aucune embellie critique ne semble se profiler à l'horizon immédiat.

    Le moins qu’on puisse dire c’est que le discours scolaire, la gouvernance, etc. sont en constant bouillonnement dans une double modalité d’inflation/appauvrissement.

    Cependant il est clos sur lui-même, à la manière d’un univers fini. Les « médias pédagogiques » sont un exemple éclatant de ce repli constitutif.

    Il appartient à une philosophie de la pratique éducative digne de ce nom de mettre en évidence le caractère massif de ce problème aveuglant.

     

    le sens de l'éducation

    Moretti, Dogme, 2009 (peinture à l'huile,mousse expansive et plâtre sur toile)

    Tout se passe comme si les tenants de la gouvernance et du commentaire scolaires avaient rompu les amarres avec les fondements de ce qu’éducation veut dire, et dès lors, délaissés par les anciennes intelligences, prises par d'autres occupations prioritaires et qui ont quitté le navire,  voguaient dans l'errance, et ne savaient plus comment éclairer les parcours. Nous voici loin du « réenchantement ».

    Comme si les questions qui nous taraudent : celle de notre existence, celle de notre vie et de notre mort, celle de nos générations, passaient à l'arrière plan des aménagements boutiquiers. C'est là une folie. Car enfin, quel sont les enjeux ? Non pas ceux qui nous sont extérieurs ou imposés, mais bien : notre enjeu ?

    Une des tâches de la philosophie de l'éducation serait de rappeler que veut dire « l’essentiel » : non pas compliquer la complexité contingente, mais clarifier les fins et les trajets. Non pas revenir aux fins au terme d’un itinéraire hésitant, comme des enfants abandonnés par leurs éducateurs, et de jeunes adultes qui n’auraient pas cherché à donner sens à leur existence, bloqués dans l’immédiat des valeurs de la doxa.  

    Et surtout, et par-dessus tout, revenir sans cesse au plus profond[1] : de ce que nous sommes, de nos nécessités vitales, de notre raison de vivre. Réhabiliter la question du « sens de l’éducation »[2], dont l’évacuation n’augure aucun progrès de la conscience. Au passage, en se demandant de manière subsidiaire quelle est la fonction de « tous les slogans de ce monde ».  Non que quelques grandes âmes ou autres belles plumes n'y songent point, mais qu'il n'en résulte nulle articulation à la politique éducative.   

    A l’oublier, l’incroyable galaxie scolaire fonce vers l’infini de la dispersion et de l’entropie consentie. La déperdition n’est pas seulement économique et culturelle : elle est spirituelle. Pour qui s’intéresse à l’actualité du genre, on ne peut que s’inquiéter de ce vide. Sommes-nous vraiment faits pour cela ?  



    [1] Au sens d’ « écologie profonde » par exemple,

    [2] Je me souviens, non sans crainte, du rejet crispé provoqué par la simple évocation d’un travail en ce sens dans les milieux de la formation initiale et continue de mon académie d’exercice. Vider de sons sens, vider de son sang. N.d.a.

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