• 12 Bonnes Résolutions

    L’utopie d’une servitude consentie et illimitée ne nous convient pas : entre cynisme gestionnaire, pessimisme lucide et crédulité candide, nous reste-t-il encore des espaces pour réinventer d’autres alternatives ? Formulons donc, sans illusions, quelques vœux en espérance de dépassement de cette difficile conjoncture. 

     

    12 Bonnes Résolutions

                                          Isaac Cordal, Nantes, été 2013

     

     

    Touchant la question scolaire

    La critique radicale du rapport de l’école au système politique et idéologique

    L’analyse rigoureuse du discours scolaire et de sa fonction

    La clarification et la mise à plat des voies possibles pour une pédagogie actuelle

    L’actualisation et la transmission du message de l’éducation nouvelle

     

    Touchant la méthode

    Le travail de synthèse

    Le laboratoire d’idées

    L’effectivité de la triade

     

    Touchant le contexte général

    L’examen catégorique du discours totalisant

    La définition et les caractéristiques des « nouvelles donnes »

    L’exigence de renouvellement des méthodes de pensée

    La nécessité d’un autre rapport à la référence épistémologique

    Le goût du débat démocratique

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    12 Bonnes Résolutions

     

     

    Touchant la question scolaire

     

    La critique radicale du rapport de l’école au système politique et idéologique

     

    Il faut renouer avec une tradition scientifique et critique pour une analyse qui ne perde pas de vue ce en quoi consiste un système scolaire, et en tire toutes les conséquences. Cette réaffirmation du principe de situation ne peut se faire sans précisions sur la configuration présente  ni dépasser les termes flous désignant l’évolution du « néolibéralisme » et ses développements observables ou probables.

     

    L’analyse rigoureuse du discours scolaire et de sa fonction

     

    L’incroyable surchauffe du « discours scolaire », son expansion indéfinie, sa prétention consensuelle, la nocivité de ses idéologèmes n’est pas intangible : la rationalité a pour tâche de démonter le principe même des nouvelles croyances en la doxa dominante, et des préjugés qui confortent le discours de domination. A défaut, nous sommes « mangés tout crus », sans pouvoir prétendre au moindre soulèvement. 

     

    La clarification et la mise à plat des voies possibles pour une pédagogie actuelle

     

    On ne peut vivre dans le relativisme incessant : tout ne se vaut pas. La mise à sac de la notion de pédagogie a fortement perturbé la réflexion et l’action et la recherche active en solutions, en même temps que chacun, chaque faction continue à y aller de son couplet au lieu de partager des expériences et de mettre en jeu des hypothèses pour aller plus loin. Seule l’étude et la concertation fera émerger à frais nouveaux des messages porteurs, forts et clairs.

     

    L’actualisation et la transmission du message de l’éducation nouvelle

     

    Il est périodiquement fait référence à la rupture opérée jadis par le mouvement de l’éducation nouvelle. Ce mouvement multiforme désigne des tendances parfois contraires, et à la succession ambiguë. Les exemples de fixité sur le passé, ou ceux du retour sur tel ou tel précurseur présentable pour l’idéologie actuelle, devraient faire réagir. Sans compter la tendance à l’absorption (la « récupération » et la neutralisation) dans le consensus du moment, sans autre choix.  

     

     

    Touchant la méthode

     

    Le travail de synthèse

     

    Nous ne pouvons nous satisfaire de la juxtaposition des opinions individuelles ou parcellaires. Il ne sert à rien que chacun fasse entendre une voix noyée dans l’immensité et pour répéter à l’envi ce qu’on sait déjà, ou encore croire s’approprier ce qui relève du bien commun et s’en faire le chantre. De la même façon, l’accumulation des recettes répétées ne sert qu’à encombrer les pistes. A l’encontre des éparpillements et des disjonctions, une clarification d’ensemble est nécessaire pour dégager l’essentiel.    

     

    Le laboratoire d’idées

     

    - En lieu et place de considérations oiseuses et verbeuses, d’incessantes redites, nous aurions besoin de lignes de force, de tracés audacieux. Cela ne peut être le fruit que d’un travail d’équipe ou d’atelier, attaché à « écrire l’important ». 

    - Les moyens techniques actuels permettent le travail en réseaux. Pour autant, quel en est le lieu ? Il est tout à fait envisageable de traiter quelques questions vives sous ce mode, encore faut-il le vouloir.

    - Dans le domaine de « l’alterpédagogie », il faut commencer par se demander pourquoi l’expérimentation raisonnée est depuis un quart de siècle jugulée, non encouragée ni mise à profit.

     

    L’effectivité de la triade

     

    Nous avons rêvé d’un travail conséquent et cohérent, mettant en dialogue les principales postures relatives à l’action éducative : la philosophie de l’éducation en tant que questionnement ; la référence anthropologique relayée par la recherche ; la pratique pédagogique comme exigence concrète. Selon cette « triade prodigieuse », c’est à l’intersection de ces instances que peut émerger une « pensée de l’éducation » en actes, renonçant aux impasses de l’idéologie et aux soumissions de l’exécution. On en a vu le danger ; on feint sans cesse d’en regretter la dissociation.

     

     

    Touchant le contexte général

     

    L’examen catégorique du discours totalisant

     

    Le discours de domination est univoque, et n’admet pas de contradiction. Il se donne comme englobant de la morale et de l’action. Il se développe sans contrepartie, notamment dans ses stratégies du paradoxe, de la disjonction, du report et de la sécurité. Il se nourrit de « faux-débats ».  Agissant comme un « rouleau compresseur », il aplanit toute hérésie, interdit toute percée, et condamne dès lors le propos éducatif, qu’il contrôle, à l’acceptation de ses principes, qu’il répand distillé en d’innombrables « ruissellements ». Aucune avancée ne pourra avoir lieu sans refus de son privilège, sans dévoilement de son rôle et de ses méthodes. 

     

    La définition et les caractéristiques des « nouvelles donnes »

     

    C’est avec un très grand retard que les hiérarques et les commentateurs ont pris acte de la mutation en cours. Et comment ? Lancés par la force des choses, ils se font les sectateurs d’un nouveau scolastisme encore en gestation, fortement adossé au culte de la technique. Or les nouvelles donnes modifient l’ensemble de notre milieu culturel, et touchent aussi bien le mode de pensée, de communication et de représentation. En feignant de sous-estimer ce qu’est désormais le « sujet des médias », ils esquivent la question de sa promotion et de son émancipation dans son mode actuel d’être au monde. C’est pourquoi il est nécessaire de préciser en quoi consistent les « nouvelles donnes » qui ne se réduisent ni techniquement à quelque métonymie du « numérique », ni idéologiquement à quelque exaltation de la « complexité ».

     

    L’exigence de renouvellement des modes de pensée

     

    Peut-être pourrait-on s’aviser que l’on n’appréhende pas des problèmes nouveaux avec des outils obsolètes. D’autant que de nombreux problèmes que nous subissons sont liés à des catégories, logiques, boussoles  inappropriées, qui les ont en partie générés. Dans ce domaine, il ne suffit pas de citer tel auteur qui l’aurait rappelé sur quelque scène mondaine : il s’agit de mettre en œuvre communément d’autres manières de voir que celles qui président encore habituellement à nos positions.

     

    La nécessité d’un autre rapport à la référence épistémologique

     

    Nous vivons sur la lancée d’une référence théorique d’ensemble qui, après l’espoir une échappée belle, notamment quand à la fin des années 60, on envisageait de poursuivre le formidable programme des ruptures épistémologiques du début du siècle dernier, nous a fait revenir aux vieux démons du scientisme. Le champ des sciences humaines est dès lors imprégné de la croyance en des positivités « immédiates », tandis que dans celui des « sciences de l’éducation » s’échafaudent trop de « théories » qui tiennent plus de l’idéologie, de l’opinion et de la morale que de la rationalité. Un effort à frais nouveaux est nécessaire pour renouer avec l’éclairage de l’étude profonde.

     

     

    Le goût du débat démocratique

     

    Nous sommes paralysés au sein d’une configuration où le double modèle traditionnel de la hiérarchie des idées et de la mainmise des appareils se poursuit sous des formes nouvelles (surhiérarchie inavouée, primat du respect de l’institution sur l’audace de la création…). Les uns trop clairvoyants et découragés depuis longtemps ont renoncé, les autres craintifs  ne songent même pas à sortir de leur condition pour avoir eux aussi voix au chapitre : on pense pour eux. Seuls s’expriment alors les agents et les courtiers. Cette démocratie- là est malsaine. Pourtant, nous ne manquons pas de moyens techniques pouvant faciliter, selon des modalités libérées des carcans en vigueur, un sursaut dans le sens d’un échange renouvelé et fécond.

     

     12 Bonnes Résolutions

                                                  Isaac Cordal

     

    On l’aura remarqué, dans un système qui vit sur sa lancée, et dont les assises structurelles ne sont pas remises en cause, de même qu’il reste peu d’espace – sinon interstitiel - pour un débat sur le fond, il n’y a pas véritablement de lieu pour le travail critique. Celui-ci ne peut bien sûr s’exercer dans les lieux officiels, mais pas davantage dans les territoires contrôlés directement ou indirectement.

    Il suffit déjà de constater la place faible et marginale de la perspective critique en philosophie, qui même, quand elle existe, s’exerce décrochée de tout impact possible. Car nous ne manquons pas de vœux pieux, tandis que nous avons besoin d’action concertée. Quant au tabou qui pèse sur les grands domaines de gestion de l’intelligence – culture et éducation – il interdit toute perspective qui mettrait en cause les fondements des déploiements actuels de la doxa. L’éducation scolaire, comme les médias, sont ainsi gardés à l’abri d’une déstabilisation publique discréditant la raison réelle de leur entreprise.  

     

     

     

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