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Pédagogie
Trop de pédagogie proclamée pourrait bien avoir tué la pédagogie. Qui pourrait renaître de ses cendres, mais à quel prix?
Si nous nous sommes passionnés pour la pédagogie en acte, c’est parce que nous tenions à appliquer le terme de pédagogie à l’art (technè) d’éduquer. Loin des circonvolutions actuelles autour du terme, devenu slogan ou fourre-tout, il s'agissait d'engagement de conviction et d'audace méthodique.
Maisons bulles
Loin des utilisations à des fins pédantes, ou idéologiques.
Quant à l’acception académique de « science de l’éducation », elle présente elle des difficultés par trop lourdes : outre qu’elle se situe dans la ligne du rêve de la « pédagogie générale » de la fin du dix-neuvième siècle, elle n’est souvent qu’une version actuelle de l’ancienne « psychopédagogie ». Cet héritage est lié à une conception périmée, et se réfère à une sphère épistémique dépassée : à l’inverse, toute approche scientifique de l’éducation aura à se référer à ce que les sciences humaines et l’anthropologie critique en éclairent et alimentent.
Nous assistons dans l’actualité de cette « rentrée scolaire » française à la permanence d’une configuration bloquée : d’une part, une grande appétence de technicité, avec le risque de fétichisme qui s’y attache ; de l’autre, une persistance de la déclinaison idéologique du thème, incluant d’interminables variations.
La « pensée scolaire » du jour oscille entre les deux pôles d’une fuite dans la fausse abstraction des « idées pédagogiques» (intellectualisme), et de la soumission à trop d’immédiat matériel (technicisme).
Et enfin : la pédagogie est-elle définitivement scolaire ? Et peut-elle sérieusement "s’instituer" ? On reconnaîtra ici le jeu étymologique - "l'institution des enfants" de Montaigne. D'un autre ordre, donc.
La pédagogie « de supervision scolaire » est une dérive mortelle. La néo-idéologie se situe dans cette nutation entre fascination techno-logique et illusion idéo-logique : entre l’engouement sans fond pour les "technologies numériques », ou, à l’inverse, le "substantialisme" moral de trop beaux préceptes et les redondances du verbalisme. Cette tension non surmontée est sans doute la base du « néo-pédagogisme ».
La pédagogie, en ce qu’elle est prise de sens, a tout à y perdre : quand elle se dissout dans les vastes espaces des essentialismes en –té (citoyenneté, actualité, complexité etc.), quand elle se perd dans les méandres des « éducation à ». Et le pire quand on croise : « Education à la citoyenneté ».
Au contraire, elle rencontre le sujet tel quel, comme il est, « dans son aspiration fondatrice à se créer », et non un être supposé, asservi, ou institué.
Comme la philosophie, elle se situe dans l’ordre de la démarche, de la méthodo-logie, dans l’exercice concret du questionnement pratique. Et ne peut être sans horizon de sens.