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    Oser la mésologie (suite)

                      Les Aigrettes (Baie du Mont Saint Michel, automne 2015)

     

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  • Dites, si c'était vrai ?

    http://www.educavox.fr/agenda-2/la-semaine-d-education-et-d-actions-contre-le-racisme-et-l-antisemitisme

    "la mission de l’école de faire acquérir à tous les élèves le respect de l’égale dignité des êtres humains, de la liberté de conscience et de la laïcité, il apparaît nécessaire de redonner une impulsion nationale forte aux actions éducatives menées dans le champ de la prévention du racisme et de l’antisémitisme, de la défense et de la promotion des Droits de l’Homme et des principes fondamentaux de la République."

    "Son objectif est de sensibiliser les élèves des écoles, collèges et lycées, à la prévention du racisme, de l’antisémitisme et de toutes les formes de discriminations. Les manifestations qu’elle favorise concourent à faire acquérir par tous les élèves le respect de l’égale dignité des êtres humains, quelles que soient leurs origines, leur condition, leurs convictions. Cette semaine est l’occasion de promouvoir la construction d’une société de justice, de tolérance, d’égal respect pour la dignité humaine et pour le vivre ensemble."

    Choouette

                      Derrière l'autre, il y a ...

     

                 Chouette, non ?

     

    Mais on en revient toujours au même point : "Qui éduquera les éducateurs eux-mêmes "?*

    Car ici comme en de nombreux cas, c'est la position magistrale qui l'emporte sur la co-expérience. L'éducateur est exempt de tout soupçon moral. Il peut, à ce titre, donner leçon. Si possible d'esprit critique et d'éthique.

    Car i faudrait s'attaquer non à la surface des choses, à coups de slogans et de "journées", de "semaines", mais au fond : derrière l'exclusion, il y a le principe d'exclusion, derrière le rejet ou le mépris de l'autre, il y a le principe de répulsion.

     

     * Sailer, Marx, Savater et alii...

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  • Un titre peut en cacher un autre

     

    Pensée critique et éducation

     

    Une philosophie critique de l'éducation ne peut ignorer le discours scolaire, et inciter les chercheurs à se préoccuper d'une analyse de ses aspects. Un exemple remarquable nous est fourni par un ouvrage paru récemment et dont le titre a pu roborativement attirer notre attention.

    "La pensée critique des enseignants. Éléments d'histoire et de théorisation"

    L'expression intrigue. Elle semble singulièrement roborative. Il s'agirait d'un point, d'une mise en perspective. Heureuse initiative.

    Toutefois, le patchwork de communications de cet imprimé se situe à l'inverse d'une synthèse et d'un tremplin pour de nouvelles avancées.

    Vitrine

    Dans le paratexte éditorial, la "première de couv" invite à la découverte en lecture : mais sans renseigner précisément, elle laisse une grande part au délice polysémique, à la fonction mythique du mot. Pensée plaît, critique davantage encore.

    On se place ici "au-dessus" desdits, et en tous cas à côté. Qui sont les enseignants critiques actuels, pourquoi n'écrivent-ils pas dans ce dossier, 

    Le trafic des lexèmes

    Le terme de critique comme d'autres items de ce niveau, est singulièrement mis à mal dans sa convocation à des fins "scientifiques" ou "pédagogiques" : les réunions académiques ne manquent pas, qui en chargent l'intitulé - éducation à, médias, numérique notamment : esprit critique, pensée critique, éducation critique etc. - le plus souvent en direction des élèves, les clercs étant par principe absous d'un quelconque examen de conscience déontologique ou épistémologique en ce sens!

    ***

    C'est que la notion de "critique",  on le sait, est très aléatoire, à moins de se situer délibérément et explicitement dans un champ précis, qui la définit et en exerce l'examen et les applications. 

    Quels intervalles entre théorie critique, pensée critique, esprit critique ? Et surtout, quelles précautions pour cette définition, qui doit se redoubler, tant la dégradation sémantique a frappé fort. Et enfin (et surtout!), quels reversements à la recherche, à la coopération, et à l'action.

    En attendant, il n'est pas sûr que le débat annoncé (toujours ouvert de manière fictive et futuriste) ici ait lieu.

     

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    L'espace de la pédagogie1

     

     

    L'actualité internationale récente (COP 21) et quelques publications ont de nouveau attiré l'attention publique sur la nécessité du soin environnemental.

     

     

     

    Celui-ci ne peut se comprendre sans un travail éducatif continu. Quelque tribun l'aura rappelé à cette occasion2. Mais cette simple assertion, si elle n'est pas seulement admirable dans les sphères élevées de la science et de la morale, devrait (logiquement) entraîner bien du mouvement dans celles de la responsabilité éducative.

     

     

     Oser la mésologie 2

    Grand Assec de Guerlédan 2015

     

    Cependant, en divers temps et lieux il aura été fait état d'"éducation mésologique"3. Il s'agit alors de nature, d'environnement, d'écologie et parfois d'écologie humaine... Pour autant, il semble que jamais la pensée de l’éducation n’a su se saisir pleinement de l'exigence mésologique au sens fort du terme4. C'est à dire, reliant les lieux de notre être au monde : cosmos ou jardin, établissement ou maison...

     

    1 Ce titre plagie celui d'un article que j'ai donné en 2006 à la revue Le Portique.

     

    2 v. par exemple à cette occasion les déclarations de M. Nicolas Hulot à la "COP 21".

     

    3 Stage international sur les programmes d’éducation mésologique dans l’enseignement supérieur et la formation pédagogique (London, Ontario, septembre 1972). Pourquoi oublier ?

     

    4 "L'environnement s'accommode mal de la subdivision en .matières qui subsiste plus ou moins dans les écoles On peut penser que les enfants ressentent le monde qui les entoure comme un tout. L'environnement, dont l'enfant lui-même ne peut être dissocié, ne lui apparaît pas comme un assemblage d'éléments isolés. En rompant avec la classification rigide des matières scolaires. l'éducation mésologique recrée en partie les motivations que l'enfant tire de ses contacts avec l'environnement."

    Ou encore "Beaucoup de maîtres ressentent la nécessité de recourir à une autre méthode que la confrontation exclusivement verbale avec l'environnement et les éléments qui le composent. Les enfants sont plus disposés à voir et à éprouver directement les choses qu'à en entendre parler." (Harry Walls, Conseil de l'Europe, 1976)

     

    ***

     

    Pourtant, même latente, la préoccupation mésologique n'a jamais vraiment disparu. Ainsi, la Charte mondiale de la nature proclamée par les Nations-Unies en 1982, rédigée en termes de soin, stipule dans son article 19 que : « Les connaissances relatives à la nature seront largement diffusées par tous les moyens possibles, en particulier par l’enseignement mésologique qui fera partie intégrante de l’éducation générale  (...). Car l'AG est Consciente que : a) L’humanité fait partie de la nature... ou encore : L’homme peut, par ses actes ou par leurs conséquences, transformer la nature et épuiser ses ressources et doit, de ce fait, pleinement reconnaître qu’il est urgent... (sic). Réaffirmant que l’homme doit acquérir les connaissances voulues pour maintenir et développer son aptitude à utiliser les ressources naturelles tout en préservant les espèces et les écosystèmes dans l’intérêt des générations présentes et futures, Fermement convaincue de la nécessité de mesures appropriées, aux niveaux national et international, individuel et collectif, privé et public, pour protéger la nature et promouvoir la coopération internationale dans ce domaine,

     

    Adopte, à ces fins, la présente Charte mondiale de la nature..."

     

     

     

     

     

    Enseignement et mésologie

     

    En quoi peut-elle aujourd'hui intéresser le pédagogue ? Pourquoi chercher en arrière et ailleurs ?

     

    Ici se trouve l'important, qui rejoint le propos. Que "l'enseignement mésologique fasse partie intégrante de l’éducation générale". Soit. Mais sous quelles formes ? A l'époque de la Charte, l'ambiguïté demeure : s'agirait-il de seules approches disciplinaires ?

     

    En amont de l'enseignement, comment l'intériorisation mésologique peut-elle se développer de façon cohérente ? Pour beaucoup encore, le rapport à l'environnement se décline selon une activité particulière, dès l'école, s'agissant d'"étude du milieu" par exemple1... Ou encore, selon les termes d'une "éducation à l'environnement et au développement durable". Etc.

     

     

    Mais enfin, que se passe-t-il autour et alentour ? Et après ? Peut-on se contenter d'une sensibilisation annexe, et en fin de compte, superfétatoire ?

    De la même façon, et par analogie, le débat autour de la question d'une matière scolaire "médias"2 - s'agissant de "milieu", donc - n'est pas clos J'ai milité autrefois pour une "approche intégrée" dans le cadre d'une "pédagogie muable". Muable, associée, évolutive. Cela suppose, outre le fait que la lecture des médias est transversale, une répartition des enseignements comme une partition pédagogique adaptées.

     

     

     

     

     

    ***

     

     

     

    Est-il désormais possible, et à quelles conditions, de passer à l'esprit d'une "pédagogie mésologique ? En pédagogie, on revient ainsi à la question du "milieu éducatif", qui a toujours été... au centre (sic) de la réflexion des "grands pédagogues"3. Qu'il s'agisse de la réflexivité relative à notre propre définition anthropologique, de l'intelligence du milieu de vie, de la compréhension critique des médias, de l'intelligence des Arts...

     

     

     

    C'est notamment la capacité critique, dont la fonction ne s'exerce pas dans un immédiat, ni selon des recettes, sinon d'entraînement : elle s'ordonne à un horizon de sens, en raison duquel nous rapportons nos actions. En cela, l'état d'esprit mésologique peut nous aider au dépassement nécessaire à toute pédagogie.

     

     

     

    Une "éducation mésologique"4 qui n'aurait d'autre sens qu'"environnementale" ne serait donc guère pertinente. Car la bascule est en réalité radicale : l'essentiel est que "le milieu humain" redevienne une préoccupation majeure, et, au principal, pour l'éducation, comprise comme enjeu de société. On le comprend, les conséquences de ce retournement ne seraient pas minces,

     

     

     

    - aussi bien dans l'organisation interne des systèmes éducatifs - une formation humaniste pour notre temps se décline de manière transverse ; il s'agit d'angle, de manière : ainsi, la mésologie ne peut se comprendre que dans la transdisciplinarité ;

     

     

     

    - que pour la dynamique sociétale, supposant des actions d' ampleur, continuées...

     

     

     

     

     

    ***

     

     

     

    A l'utopie scientiste et libertaire du XIXè s, ferait donc écho à présent l'utopie d'une éducation mésologique dans le plein sens du terme. Ces orientations transversales sont proches de ce que les "grands rapports" ont avancé naguère, sans que d'ailleurs l'action éducative en soit profondément affectée.

     

     

     

     

     

    Une pédagogie de la situation ?

     

     

     

    Penser à nous-mêmes, dans notre milieu : en jeu, l'idée que nous faisons du "sujet de l'éducation". Je suis frappé par la métaphore générale de l’environnement et des espaces s'appliquant aux expansions techniques : "écosystème et environnements numériques"5. Supposons qu'il ne s'agisse pas que d'une image, ou d'un espoir : une autre topographie éducative est en effet possible.

     

     

     

    Se rendre compte que "l'homme transforme son milieu" se lit dans une longue tradition6 d'étude de l'anthropisation7. De "l'environnement agit sur les êtres vivants" nous sommes passés à "l'homme agit sur les milieux". De l'influence de l'environnement sur les organismes, à l'influence des êtres sur le milieu. Ce n'est que justice anthropologique : l'homme n'est pas in-différent à l’univers. Constater donc que l'homme modifie son environnement, depuis toujours, c'est rappeler sans cesse ce qui induit notre responsabilité.

     

     

     

    Comment ce paramètre majeur se traduit-il en éducation scolaire, au-delà des plages de sensibilisation ponctuelles  ? Entre les grandes envolées lyriques et les rapports supérieurs8, puis les travaux d'approfondissement et d'exégèse, et aux antipodes, les considérations humbles ou les préoccupations modestes des pédagogues, il y a place pour une action médiane. Car les exhortations n'ont pas manqué, qui appellent à une "réforme de pensée"9! Elles non plus ne datent pas d'hier, et ne sont pas le fait des seuls intellectuels médiatiques. Où en sommes-nous ? La traduction de ces lignes de conduite peine à s'épanouir. Malgré les formidables exigences de notre époque. Et il y aura encore à impulser des voies nouvelles.

     

     

     

    En cela, une mésologie renouvelée peut contribuer à sa façon, et à son niveau, comme approche transversale en pédagogie du milieu, et comme manière d'interroger les préoccupations actuelles, à forger le "mode de pensée" global et transversal à la hauteur de la mutation en cours : il n'y a là aucune complication, aucune prééminence, et chacun de comprendre que nous avons encore à procéder à une révision drastique de nos conceptions, en éducation scolaire, et "tout au long de la vie".

     

     

     

    Ce qui comptera, ce sera la vérité pratique attachée à cette intelligence.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    1 v. cependant un intéressant article daté replacé sur le site des "Cahiers pédagogiques". Le milieu y est encore compris comme "cadre de vie".

     

    2 En France, "EMI", que certains voient possiblement portée par les professeurs documentalistes...

     

    3 Ce que rappelle Dominique Ottavi (2008, op. Cit.). Pour y réfléchir : la notion de se réduit pas à la "forme scolaire", ou au "climat scolaire". 

     

    4 "les principes d'actions, les finalités et les valeurs de l'éducation mésologique doivent inspirer tous les programmes d'éducation qu'il s'agisse de programmes d'éducation de base ou de formation socio-professionnelle rurale. Tout secteur d'activité, comme tout projet de développement doit inclure un volet relatif à l'éducation et à la formation mésologiques (EFM) qui s'adresse à tous les individus, dans tous les secteurs, dans toutes les disciplines et tout au long du cycle vital;

    l'EFM est un processus continu. L'éducation mésologique est orientée vers la solution des problèmes qui se posent dans l'environnement." (Séminaire Environnement et développement durable, Brazzaville, 1989).

     

    5 Ou encore quelque applications particulière. Ainsi "Une écologie globale de la classe coopérative " etc.

     

    6 Entre ex. il y a un siècle chez Vladimir Vernadsky, la notion de technosphère (part de l'environnement affectée par les modifications d'origine humaine).

     

     

    8 On s'est ainsi souvent référé aux travaux de l'Unesco : notamment, "rapport Delors" (1996), texte d'Edgar Morin (1999). Ils " resteront au fond du tiroir" (Frackowiak) comme d'ailleurs quelques rapports pourtant commandés, mais vite occultés.

     

    9Journée d'études IGEN 1994 (Titre d'Edgar Morin)

     

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    Oser la mésologie 1 *

    "Science du milieu", la mésologie1 pourrait paraître surannée, ou par trop savante. Pourtant, la résurgence actuelle du terme est peut-être significative, y compris pour l'éducation scolaire.

     

     

     

    Oser la mésologie

                      Grand Assec de Guerlédan 2015 Jean Agnès copyleft  Oser la mésologie

     

     

    Remis à l'honneur institutionnel international dans les années 502 puis 70, il récidive aujourd'hui via quelques considérations académiques. L'article liminaire de Dominique Ottavi (2008)3 semble bien inaugurer ce regain d'intérêt4.

     

     

    Cette réapparition du terme5 de divers bords, selon divers points de vue, à partir de quelques disciplines (sciences de l'environnement, écologie humaine, géographie, théorie de l'habitat, philosophie) nous renseigne certes sur les évolutions et les diversités d'emplois, mais il peut surtout nous aider à réfléchir sur notre rapport à notre situation, à la vie, à notre propre condition.

    ***

     

    L'hypothèse de travail des pionniers de la pédagogie des médias portait sur une étroite articulation entre la connaissance (systèmes, supports, discours) et la production (réalisation de médias en milieu éducatif). Il s’agissait pour nous à l’époque (au milieu des années 80) de chercher à répondre aux questions posées par le milieu technique et culturel en expansion, et du fait même, de préparer les développements à venir.

     

    C'était sans doute là une avancée par rapport aux périodes où la production de médias par les enfants et les jeunes en situation (milieu) scolaire était pratique répandue, sinon courante, mais non articulée à une prise de conscience explicite (relayée par l'enseignement) des logiques de l'environnement médiatique, ni expressément aux apprentissages qu'elle favorise, liés à notre fonctionnement anthropologique. Au fond, c'est toujours la même histoire : lire le monde (connaissance), écrire le monde (action).

    Pour peu que cette dialectique soit rompue, tout projet éducationnel devient improbable. Par exemple, le risque est à double sens : d'une étude experte sans utilité pour la pratique, d'une activité de production médiatique sans rapport étroit à une connaissance critique, au plus près de la compréhension de l'artefact qui engage notre responsabilité.

    J'ai avancé il y a quelques années l'idée que l'étude des médias avait tout à gagner d'une approche mésologique6. Et au fond, l'activité de production , pourvu qu'elle se passe en "situation de communication authentique", elle-même engage une compréhension et une appropriation par l'expérience de ce que média signifie. Le rapprochement n'est pas fortuit : ces remarques sont à replacer dans un ensemble où la mésologie toucherait traditionnellement l'environnement : environnement n'est pas milieu. C'est donc à la définition des contours de ce terme qu'il faut s’attacher.

     

    1 De l'environnement au milieu : une résurgence de la mésologie

    On sait que la mésologie née au XIXè siècle, chère à Élisée Reclus (entre précurseurs), a perdu très tôt une Dispute restée "virtuelle" : le terme français a vite été supplanté par celui d'écologie (Ernst Haeckel 1866), dont on connaît le succès ultérieur.

    Ce fait terminologique, lié à l'utopie d'une nouvelle science possible, n'est pas anodin : ce ne sont pas là deux synonymes (malgré tel dictionnaire), et la mésologie n'est pas "une partie de l'écologie" ou encore : n'est pas partie de l'autre. Les deux termes ne se confondent pas7.

    Premier renversement : le méson (μέσον ) n'est pas l'oĭkón ( οἶκον)

    Μέσον est espace et temps, milieu, intermédiaire, centralité. Όἶκον est maison, habitat. Il semblerait a priori que l'écologie, comme la mésologie s'intéressent semblablement au milieu. Mais ce n'est pas au même titre. Oĭkón insiste sur le donné, Méson sur l'appartenance et la production. Le pas à franchir est celui du mode de relation : du sens unilatéral (et passif) du " milieu où l'être vivant est immergé"8, on passe à la réciprocité (active) de la relation.

    ***

    L'écologie se définit volontiers comme "Science qui étudie les relations entre les êtres vivants (humains, animaux, végétaux) et le milieu organique ou inorganique dans lequel ils vivent". Et telle autre définition entretiendra l'ambiguïté : il s'agirait alors de relations réciproques 9.

    Mais avec le temps, le terme d'écologie semble avoir comme bien d'autres subi dans l'usage une dégradation sémantique qui conduit à confondre environnement et nature, et à externer le sujet. Or l'origine étymologique du terme οἶκον est bien celle de l'artefact, non dans sa construction, mais dans son usage (habiter). A y réfléchir, les termes ne sont pas antagonistes : ils ne se situent pas sur le même plan.

    Second renversement : de l'influence de la nature à la réalisation de la nature

    La définition avancée en 1999 par J.-A. Hertig10 sous l'angle du soin environnemental m'apparaît comme une métonymie du projet mésologique… : comme "Domaine de l’environnement regroupant l’air, l’eau, le sol, soit le milieu vital ou encore les bases de la vie (…), la mésologie regroupe les domaines pouvant mettre directement en danger la survie et la santé de l’homme et de la biosphère en affectant un milieu vital".

    Dépassons des conceptions anciennes ou trop spécialisées : ainsi, la mésologie n'est pas seulement une partie de la biologie11, ni même de l'écologie, mais l'attention au lieu central de notre situation. Elle suppose alors une réflexivité accrue sur ce que nous sommes, elle s'exerce sur nous-mêmes. Elle s’intéresse au lien entre les deux dimensions de la connaissance de notre rapport au milieu et de la détermination de ce que nous pouvons (le prendre soin de nous-mêmes). Il serait dommage de jouer la dispersion conceptuelle : le plus raisonnable à mes yeux est de réserver le terme, à la fois à telle acception scientifique spéciale, mais aussi, à l'inverse, à un questionnement (d'ordre philosophique, donc) plus large.

    Constater que : "la planète est sortie de l’holocène pour entrer dans une nouvelle ère géologique – l’anthropocène" - marquée par le poids des activités humaines sur les phénomènes géophysiques12 c'est tirer leçon de la conscience mésologique ; mais celle-ci ne fait que prendre en compte l'antique expérience : dès l’origine l'homme transforme radialement l’environnement13. Il le dé-nature.

    Autant j'estime le travail théorétique toujours nécessaire, à l'opposé des rhétoriques oiseuses, autant je ne crois pas à une "mésologie générale", pas davantage qu'en une pédagogie générale comme au XIXè s. La pédagogie est l'humble geste. Même si l'utopie scientiste d'une "science générale" de la mésologie (comme de la pédagogie) a fait long feu, nulle raison pour en éviter la force réflexive et problématique. Paradoxalement, la mésologie permet de voir les problèmes sous un jour nouveau, et de renouveler le mode de questionnement relatif aux espaces éducatifs. Cela suffira : car il s'agit d'orienter les études, non de les circonscrire.

    La situation du sujet de l'οἶκον n'est donc pas celle de celui du μέσον : la mésologie ne dissocie pas le sujet de son milieu. Celui-ci n'est pas un "donné" mais le lieu d'une relation créative. Une telle disjonction ne tient d'ailleurs pas à la définition fondamentale de l'écologie, mais à ses usages dispersés ; et elle a toujours des conséquences considérables, notamment dans la conception française de l'éducation.

    ***

    Si la résurgence de la mésologie se lit d'abord dans le secteur lettré, elle ne nous est nullement indifférente pour l'éducation pratique : elle implique une modification de notre façon de penser et d'agir. Ici comme en tout domaine, la question sera celle du reversement à l'action réelle, de l'attribution à la pratique pédagogique des principes là explorés. Elle constitue de cette manière un éclairage fécond sur les questions dont il est nécessairement débattu : sauver la planète, nous préserver nous-mêmes.

     

    ( A suivre : Enseignement et mésologie)

     

    1 A ne pas confondre avec la Misologie ordinaire, qui est la haine de la raison !

    2 A l'époque, signification du milieu exprime l'action dynamique qu'il exerce autour de lui sur les êtres vivants. v. par ex. Romuald Zaniewski, Les Théories des milieux et la pédagogie mésologique, introduction générale à l'étude du milieu. Préf. Adolf

    3Article Mésologie, Bulletin de la Société Française pour l’histoire des sciences de l’homme, n°32, hiver 2008, p.47. (Les mots des sciences de l’homme).

    4 Jalonné : site Mésologiques (Renard 2009),travaux universitaires d'Augustin Berque (et son site Mésologiques à partir de 2010), etc. ; cependant que la mésologie reste une spécialité çà et là (sciences de la nature, sciences politiques etc.).

    5 (...) qui n'avait jamais disparu, mais s'était fixé dans des zones lointaines...

    6 Philosophie des milieux, Revue transverse, 2011. Copie sur mon blog : http://www.aléasphilosophiques.fr/le-divin-milieu-a96668669

    7 On trouve ainsi "écologie de l’éducation" chez Barbier (2009 : écologie de l'éducation)

    8 « La mésologie est la science des rapports qui relient les êtres aux milieux dans lesquels ils sont plongés » (Robin, 1865).

    9 Études des relations réciproques entre l'homme et son environnement moral, social, économique. (TLF)

    10 Spécialiste d'études environnementales et climatologiques ; il place la mésologie parmi les "secteurs de l’environnement"

    11 Larousse de poche, 1912

    12 http://www.fondationecolo.org/xarpages/l-anthropocene ; "l’histoire humaine et celle de la nature se rencontrent", ibid

    13v. par exemple Valerie Chansigaud...

     

     

    * Article publié initialement sur Educavox

    http://www.educavox.fr/formation/analyse/oser-la-mesologie

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