• "L’École doit contribuer à apaiser les conflits et favoriser le dialogue des cultures"
     

    L’École doit contribuer à apaiser les conflits et favoriser le dialogue des cultures

     Tribune collective en ligne sur Médiapart

    http://blogs.mediapart.fr/edition/les-invites-de-mediapart/article/121015/l-ecole-doit-contribuer-apaiser-les-conflits-et-favoriser-le-dialogue-des-c

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  • Merci de votre intérêt pour les Aléas.

    Ce site est conçu comme un "carnet de notes". IL porte au principal sur des questions de philosophie, d'anthropologie et d'éducation.

     

    Site en travaux

                                                     Source : La Hulotte

     

    Le site est en restructuration pour davantage de matériel et si possible de lisibilité.

     

    Cordialement, et bonnes promenades dans les forêts du sens

     et du non-sens (e). Ici, mais surtout partout où c'est prenable.

     

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    Pédagogismes

    Les fondamentaux

     

    Pour ceux qui sont encore attachés à une critique de la raison éducative*, plus d'un noyau dur de l’idéologie scolaire mériterait un examen au microscope. 

    Les fondamentaux

                      Photo : Jean Agnès 2013

     

    Je ne suis pas expert en archéologie scolaire et ne saurais retracer l'histoire de l'institution des "fondamentaux". Le terme reste par ailleurs ambigu et fait assez rêver pour nous inciter à nous intéresser à ce qu'il recouvre... et ce qu'il ne recouvre pas. La chose a été maintes fois discutée mais de loin et sans frais, on aura eu plaisir à confronter le terme à d'autres (par exemple, "fondamental" ou "initial" ?).

    Cependant, ce qui en est indiqué, avec plus ou moins de flou, mais qui semble bien s'attacher obstinément au "lire-écrire-compter" ne paraît guère faire l'objet d'un examen critique à frais nouveaux. J'ai aussi un peu de mal à obtenir des interlocuteurs, collègues officiellement compétents, quelques lumières historiques et critiques utiles à la recherche en ce sens.

    Pourtant, seul un travail de recherche ciblée organisée pourrait faire avance une question On comprendrait qu'une entreprise de "refondation" scolaire s'intéresse et au besoin s'attaque aux fondements. Il n'y a pas trop loin jusqu'aux "fondamentaux", dont le poids symbolique est suffisant pour comprendre quelle conception de la personne est en jeu, quel type d'éducation il est question de promouvoir. Or cela n'a pas eu lieu. La doctrine n'est pas contestable et sa pérennité est le meilleur garant de son bien-fondé.

    Je trouve peu de littérature historique et critique sur ce point... fondamental. Peut-être trouverons-nous des clés.

    A propos d'orthographe : pourquoi cette crispation ?

    On le sait, l'apprentissage du lire/écrire en français ne s'en tient pas à l'analyse phonologique simple du langage, en vue de transcription graphique selon un alphabet, et à la distinction de ses principaux composants grammaticaux.

    Il superpose en effet une dimension normative forte. Ce n'est qu'au nom d'une morale plaquée que l'on justifie des aberrations logiques. Par exemple, un enfant en bas âge saura très bien trouver à "stagiaire [ stajεr]" son masculin : " stagier [stajé]". Les exemples sont légion...

    L'orthographe du français est un casse-tête embrouillé, et il faudra attendre les études supérieures pour comprendre l'enchevêtrement et la superposition des strates dans ce qui fait le système ortho-graphique français. Pas question de le remettre en cause ce qui participe grandement à l'organisation des inégalités, et constitue pour la "nation" un objet rituel d'ampleur ("la dictée"!).

    Les procédures automatisées (ttx, dictionnaires en ligne etc.) ne changent rien au problème

     

    On ne pourrait "refonder" dans ce domaine que si d'une part on renonce à entériner l'ordre établi et à le perpétuer, et d'autre part si on ne revoit pas la question en amont.

     

    1) au regard de la correspondance aux capacités

     

    En termes de réponse éducative aux fondements de la rationalité il semble bien que le plan du "langage" (la logique) soit surévalué par rapport aux autres. Viennent ensuite la valeur et la communication.

    Le grand absent décidément est la technique.

    C'est une question d'expérience humaine, quand on sait comment se comporte l'enfant en bas âge en ce domaine. C'est une question scientifique, quand on s'attache à une anthropologie où aucun plan n'est prédominant.

    Si l'intersection entre le langage et la technique est bien représentée dans les systèmes d'écriture, il n'en est pas de même pour l'image ou la musique, celle-ci faisant avec d'autres "activités" office surnuméraire.

     

    Cela est à développer : entretemps, on s'interrogera sur les raisons de ce déséquilibre de base. Et singulièrement sur la conception de l'enfant, du corps, et de l'éducation sous-jacente à la programmatique officielle : l'idéologie "intellectualiste" du savoir et le découpage en dérisoires tranches horaires d'enseignements ...

     

     

    2) Au regard des acquisitions culturelles de base

     

    - Une éducation mésologique intègre l'enfant dans son univers et l'aide à l'interpréter pour lui et les autres.

    La question se joue aujourd'hui sur un nouveau front en raison du développement des "nouvelles donnes", que l'on ne saurait réduire à la maîtrise des "outils numériques". C'est bien la conscience du monde qui change, et qui requiert de nouvelles armes.

     

    - L'imaginaire est enfin le grand absent des visées utilitaristes. A l'opposé d'une conception pathétique où l'enfant accède à un monde préfabriqué, celle d'un épanouissement de l'activité d'invention et de création.

    Les récris "à la marge" d'éducation "humaniste"** n'y feront rien : ce qui importe, c'est de former, en toute bonne conscience inégalitaire, l'homme tronqué et utile.

     

    ***

    Ces questions sont "de bon sens". Elles ressortissent aussi à ce qu'une anthropologie cohérente apporte de repères. Elles engagent une vision du monde et une conception humaine. S'il faut "outiller" l'individu pour une insertion convenable en société cela ne suffit pas, en raison du temps considérable passé en scolarité. Une autre manière de penser est possible.

     

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    Quelques repères de lecture (navrants) pour ceux qui ont le temps et veulent ensuite suivre le fil hypertexte...

    "Programmes du cycle des apprentissages fondamentaux" :

    Les objectifs prioritaires du CP et du CE1 sont :

    • l'apprentissage de la lecture
    • l'écriture et de la langue française

    • la connaissance et la compréhension des nombres

    • l'écriture chiffrée des nombres (numération décimale)

    • le calcul sur de petites quantités"

    http://www.education.gouv.fr/cid38/presentation-des-programmes-et-des-horaires-a-l-ecole-elementaire.html

    Le problème... c'est qu'on entérine le problème au lieu de le traiter. Il n'y a rien à voir...

    http://www.cahiers-pedagogiques.com/+-No479-Les-apprentissages-fondamentaux-a-l-ecole-primaire-+

    http://www.cahiers-pedagogiques.com/Cycle-apprentissages-fondamentaux%E2%80%89-chaque-mot-est-essentiel

     

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    * L'expression est de Nanine Charbonnel

    ** "La culture humaniste des élèves dans ses dimensions historiques, géographiques, artistiques et civiques... Lire la suite (http://www.education.gouv.fr/bo/2008/hs3/programme_CE2_CM1_CM2.htm)

     

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  • Grande y Felicísima Armada

    Nous restons confondus par l'immense déploiement d'inutilités qui, sous couvert de "recherches" couvre un terrain que l'on jugerait mieux cultivé à examiner et résoudre les problèmes réels.

     

    L'Invincible Armada

           L'univers de l'Empire

     

    C'est un autre monde que le nôtre, celui des colloques absurdes, des réunions "nationales", "internationales",  voire "mondiales" (!), des études à usage mondain, des constats secs, des amphigouris du verbiage des clercs.

    La critique de ce désastre (ou sa prévision "si l'on continuait ainsi") a été menée depuis bien longtemps. Les privilégiés n'en ont cure, et il est en effet scandaleux lorsqu'on parle de "crise" et d'"urgence de refondation" de constater comment se perpétue cette gabegie. Que d'énergie perdue! Les pédants seraient mieux avisés de se convertir pour mettre la main et œuvrer à des solutions.

     

    ***

    L'Armada reste invincible. Même si on détruit un ou deux bateaux, elle croira gagner sa guerre. A moins que les éléments ne s'en mêlent, et que le vent de l'histoire rationnelle ne souffle à nouveau en disloquant la flotte.

    Toujours rétifs, certains cependant auront eu le temps de fuir.

     

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    Article de référence : Le paradoxe du désert (2000)

     

     

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  • Je rebondis ici sur un texte  posté par Catherine Chabrun (Icem) sur son blog ("Vous avez dit philo"?)

     

    La fin de la philosophie

    (La fin, c'est à la fois le sens, la dissolution et la disparition).

     

    Une philosophie critique pourrait aujourd'hui se donner pour tâcher de revisiter quelques-unes des notions massives qui habitent le discours sociétal. A commencer par celle de philosophie, et celle d'éducation, à frais nouveaux. Tant elles sont porteuses de mythe. Et en débutant (comme si nous débutions) par dépouiller le terme, sous forme déconstructive, y compris les termes de "philosophie critique" ou "philosophie de l'éducation". A défaut de ce travail, nous entretenons l'équivoque. Lever toute ambiguïté est un travail sans... fin.

    La fin de la philosophie

    La conception de la philosophie en vigueur actuellement en France est à haute teneur en idéologie. L'utilisation multiforme du terme l'éclate littéralement bien loin des nobles définitions. Elle remplit en ce sens trouble une fonction de régulation sociétale, intimement liée à la gouvernance libérale des esprits, qui entend bien entretenir la confusion.

    Sous le terme générique de "philosophie", employé dans l'ampleur de sa polysémie, se trouvent aujourd'hui tous les genres, toutes les postures : depuis les plus nobles entreprises de la grande tradition jusqu'aux positionnements les plus serviles des singes de cour.

    Philosophie ne peut se comprendre comme hyper-synonyme, incluant alors conception, doctrine, idées, opinion, réflexion, réflexivité, système, méditation, logorrhée abstraite, etc. la liste sera longue et accablante.

    On ne peut confondre la philosophie et ses avatars. La philosophie est une construction au même titre que la littérature, un ensemble d'activités organisées à partir de ce qui nous importe. Le questionnement est au cœur de la méthode philosophique.

    On pourra utilement se demander au passage quel intérêt trouve ici le discours dominant à maintenir la confusion et le mélange des genres.

    ***

    J'appartiens à une famille de pensée où il paraît honnête de décliner le "d'où je parle", d'expliciter les présupposés, et les principes du parcours textuel.

    Au nom de quoi, ainsi, je pourrais me prétendre "philosophe".

    Ce pourrait être par exemple pour avoir émargé plusieurs années dans un département universitaire de philosophie, ou encore pour avoir mené longuement des travaux en philosophie de la transmission, ou encore parce que je suis un bon connaisseur de "philosophie de l'éducation". Ou encore pour avoir quelque peu fréquenté le domaine des "sciences humaines" et celui de l'épistémologie.

    L'ambiguïté demeurera, et mieux vaut se passer de ces titres. Car ils sont lourds d'affiliation convenue, et, pour quelques-uns, d'arrogance.

    De quelle "philosophie" est-il donc question ? Travail de pensée, recherche métaphysique, études phénoménologiques, questionnements ; discipline universitaire, matière scolaire, activité scolaire ; mais aussi idéologie, opinion, mondanités, prophétismes… C'est ainsi que nous sommes joués : d'autres sont philosophes pour nous.

     

    1) Quelle philosophie ?

    Dans ce domaine éminemment protéiforme, de quoi s'agit-il en pratique ?

    La philosophie n'existe pas en soi. Elle est instituée et incarnée. Elle est marquée par son historicité. Elle ne saurait se comprendre alors comme a priori de l'activité humaine, comme ce la aura pu souvent être le cas.

    S'agit-il de l'exercice professionnel d'une matière scolaire ? la philo des années 60, réservée à ceux qui avaient pu "poursuivre leurs études", à certaines sections, c'était une initiation généraliste tardive, aux divers aspects de réflexion sur l'homme abordés dans la tradition, et plus récemment, dans les sciences humaines. Un joli fourre-tout, mais qui nous changeait parfois, sous réserve de la qualité de l'enseignement, des "sciences sans conscience", laissant pour les spécialistes un peu de temps pour souffler, pour les autres, bien peu de temps pour jamais approfondir. Un vernis.

    Ou d'une discipline universitaire ? Sera "philosophe" le "prof de philo", le spécialiste d'un domaine, le tenant d'une théorie. Si possible en cela diplômés et labellisés.

    Du journalisme d'idées ? Quelques "philosophes" médiatiques imposent une définition....

    De l'érudition en histoire des idées ou en monographie des philosophes retenus par la tradition officielle ?

    D'une recherche de nouvelles voies sur les bases de la coutume : j'entends par exemple quelques jeunes gens vantant la possible émergence de nouveaux penseurs profonds. La conception de la philosophie ici répercutée est celle du scolastisme académique en vigueur, dont on sait pourtant depuis longtemps qu'il tient d'une définition historique et sociale : plus le discours s'enfle, plus augmente l'illusion.

    S'agit-il donc de la posture du "Penseur" désigné dans l'économie sociétale ? C'est ainsi que l'on trouve des expressions comme les "penseurs de l'éducation" (sic)... Car nous autres ne pensons pas tous, dans un monde sur-hiérarchique.

    De l'activité d'opinion de l'idéologue d'état ? Dans ce genre, un aréopage de vedettes à vie occupent le haut du pavé médiatique et n'entendent en découdre qu'avec leurs pairs. Une simple revue de presse quotidienne montre à quel point ils récidivent sans cesse.

    Ainsi, la philosophie, qui devait comme activité vitale être synonyme d'excellence, s'est-elle parfois dégradée et perdue en connivence.

    Le cas de la "philosophie pour enfants"

    Pourquoi pas, avec les pincettes d'usage quant aux moyens et aux finalités. Mais le terme de "philosophie" complété par celui d'enfants" reste gênant. Il est apparu dans les milieux scolaires français voilà plus de deux décennies sous forme d'une nouvelle mode – comme on en voit de temps en temps - inspirée des travaux de Lipman. Il n'est bon bec que d'Amérique : mais il eût été prudent d'analyser les soubassements... philosophiques de l'entreprise, forme laïque d'une méthode de réflexion existentielle, tout à fait classique dans les milieux chrétiens progressistes du milieu du 20è siècle. Le risque étant celui du "catéchisme". Je me souviens de la conversation "philosophique" de l'écrivain de l'enfant en dialogue...

    Le terme "philosophie" est ici abusif : par trop ambigu. La "philosophie pour enfants" est au fond une expression fallacieuse. Le terme de "questionnement" est inapproprié, sauf à le retenir lui aussi dans une acception généraliste. Bien sûr que l'enfant est capable de réflexion. Pour autant, pourquoi ce terme de philosophie, par ailleurs fortement connoté dans d'autres secteurs, notamment celui de la capacité d'émergence à la personne adulte ?

    Pourquoi se payer de mots ? Précisons, et réservons. Je n'ai pour ma part jamais appelé "philosophie pour enfants" une réflexion avec les enfants. Qui sont nos pairs.

    Car nous aussi nous sommes impliqués, et ne devons pas faire croire que nous pouvons instruire l'enfant du haut de notre chaire, sans nous instruire nous-mêmes : nous avons TOUS des progrès à faire ensemble quant à la pensée réflexive, créatrice et critique.

    ***

    L'histoire de la philosophie est celle du passage progressif d'une "super-science" couvrant tous les domaines de la connaissance et en délibérant, à la concentration sur une méthode de questionnement. Des pans entiers ont peu à peu échappé à l'emprise de la "philosophie", même si aujourd'hui on en fait une question de vue avant/arrière : soit du côté de la philosophie, soit du côté de la thématique ("philosophie des sciences", "du langage" etc. .Il semble bien que les pans linguistique, psychique, sociologique, technique aient bel et bien été autonomisés par le progrès de l'anthropologie générale, et si les philosophes s'adonnent encore aux valeurs (que déchaînement récent!) , c'est en dépit du développement de l'axiologie.

    Car paradoxalement, la philosophie est sans frontière. Elle se trompe par conséquent lorsqu'elle entend se substituer à des pans de l'anthropologie, quand elle veut surplomber la recherche, quand elle ennoblit en sa belle rhétorique le propos d'opinion.

    On ne peut donc confondre philosophie et réflexion. La philosophie est une construction au même titre que la littérature, un ensemble d'activités organisées à partir de ce qui nous importe. Le "questionnement philosophique" est au cœur de la "méthode philosophique".

    Celle-ci peut donner lieu à l'effort théorétique ? Par exemple, lorsqu'on parle de "philosophie de la transmission", il s'agit d'une réflexion heuristique et classificatoire autour d'une "grande thématique" : le premier soin étant de déconstruire la notion toute faite, à la très grande polysémie. Une seconde démarche vise à organiser un questionnement ouvrant sur des champs inédits. Le troisième volet de l'entreprise consiste à renvoyer à l'anthropologie ce qui relève en effet non pas d'une philosophie" mais bien de méthode en sciences humaines.

    Il s'agirait alors plutôt d'une activité, qui est celle du "philosopher", donnant lieu au questionnement. Certains l'auront conçue ainsi comme une méditation sur nous-mêmes. Il importe alors de rendre à la philosophie sa vocation de profondeur réflexive. Et de revenir à la dialectique vitale entre distance et présence, entre attraction et abstraction. Philosopher (si on l'arrache à sa signification pure et dure : "raisonner selon les principes de la philosophie ") conviendra déjà bien mieux que "philosophie". Encore qu'il s'agit d'un stade ultérieur à la réflexion. Réfléchir... pourquoi pas ?!

    Ceci nous ramène au sens de l'éducation : qui ne vaut rien si elle n'est émancipation. Cette simple maxime ruine tout le procès scolaire actuel, quand il n'est question que de cadres, de programmatique, d'adaptation et d'utilité.

     

    2) La "philosophie" comme mythe

    Mais en même temps, le mot se remplit de rêve et de sens fictif. Il y a dans la culture française un mythe de la philosophie, d'autant plus sublime qu'on peut y adorer ce qu'on veut. Ce n'est décidément pas le moindre paradoxe, quand on se souvient que longtemps la philosophie occidentale s'est définie comme réflexion rationnelle à l'opposé de l'imaginaire et de l'ineffable.

     

    L'affaire de tous ?

    En opposition à une idéologie qui institue des "philosophes", des "penseurs", et, singulièrement pour ce qui nous concerne, des "penseurs de l'éducation" auxquels nous déléguons (ou qui nous privent de) notre capacité de réfléchir et de parler, nous affirmons que la philosophie est l'affaire de tous. Il en va de même pour la pédagogie, qui est la philosophie de la méthode.

    En opposition à une scolarisation minimaliste nous affirmons que chacun a droit à l'excellence : et à pouvoir accéder à la plus grande capacité critique possible. En opposition à un scolarisme qui peu à peu brise l'élan de curiosité chez l'enfant : des études raccourcies, ségrégatives et utilitaires, une "formation de l'esprit critique" qui se borne au slogan et se contente de viser (sans l'atteindre!) la maîtrise de quelque pédante "litteratie", nous affirmons qu'il faut toujours croire aux idéaux éducatifs et pédagogiques, et, à contrecourant des tendances, à la possibilité d'émancipation, d'y œuvrer en pratique, et non se contenter de beaux et pieux propos "philosophiques".

    Cela concerne la formation, et plus généralement, la "culture professionnelle" de l'enseignant : nous sommes convaincus qu'il est absurde d'enseigner et d'apprendre sans conscience de ce que nous faisons. De ce pourquoi nous le faisons. Quiconque a fréquenté les centres de formation sait à quel point la philosophie de l'éducation (et me rapport aux nouvelles donnes, comme d'ailleurs la pédagogie des médias) occupe une place dérisoire.

    Dans une théorie de l'ignorantisme, il n'est en effet pas question de laisser le "peuple" réfléchir. La stratégie de crétinisation organisée par l'école comme par les médias est indispensable à une gouvernance qui n'entend pas remettre en cause les bases des pouvoirs en place.

    Cela n'est pas simple. Nous revendiquons une éducation qui vise l'excellence pour tous, le droit à la réflexivité critique, et à la conscience de la distance spirituelle de l'être. C'est là une visée humaniste, mais utopique au regard des finalités de l'éducation scolaire actuelle. Car il faut bien des déterminations, bien des circonstances, pour faciliter une telle émergence.

    Le bel idéal de partage réflexif en éducation n'est guère en pratique suivi d'effets. Ça va loin... Car comment pourrions-nous le prôner et inciter les plus jeunes à y accéder, si nous-mêmes sommes incapables de montrer l'exemple, de débattre ensemble des questions de fond ?

    Et comment puis-je engager les jeunes à devenir des "citoyens actifs" si moi-même je ne suis pas citoyen ? (sinon invité à élire des ambitions, assister dans la salle ou alimenter le marché) ? Si je n'ai pas moi-même droit de participer aux affaires de l'école et de la cité ?

    Et comment en pratique déjouer les limitations imposées par le cadre programmatique ? Y compris le "nouveau". Cela ne devrait pas être impossible, et nous avons parfois réussi en équipe à imaginer des espaces dans la coopération et les activités interdisciplinaires. Rarement (ou alors, gare!).

    Une autre question est celle de la pensée partagée. Ni donc celle de "l'auteur", fût-ce celui d'une œuvre véritable (toujours respectable pourvu qu'elle soit invention), ni non plus celle d'une École, aujourd'hui introuvable, voire l'animateur vedette d'un courant d'activités philosophiques ("ateliers") mais celle d'une réflexion à construire ensemble.

    On voit là combien la coexpérience est difficile. Les éducateurs que nous sommes, tous genres confondus, ont bien du mal à échanger, débattre, chercher ensemble. En témoignent les listes (à de rares exceptions près) et les sites spécialisés, où les questions de fond s'évaporent aussitôt posées. Or je ne peux prôner le sens critique pour les élèves si je n'essaie pas de l'exercer moi-même. Pour que la réflexion critique soit envisagée comme l'affaire de tous, il faudra commencer par vaincre bien des préjugés, débloquer bien des verrouillages, lever bien des barrières. D'autant que les clercs qui ont ces dernières années renforcé leurs positions dominantes font assez savoir qu'ils n'y sont pas enclins. Comment pourtant utiliser de manière ouverte les formidables outils dont nous disposons ? Il faudra sans doute rêver du passage à une conception de la culture et de la démocratie différente de celle qui entretient ces amalgames et ces interdits.

     

    La poésie doit avoir pour but la vérité pratique. Elle doit être faite par tous, non par un.

    Ainsi Lautréamont ouvrait-il jadis une tout autre voie que celles des faux-semblants dont nous sommes aujourd'hui accablés.

    Tout texte est discutable, amendable, améliorable.

     

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